Le département de Keur Massar est touché par la crise alimentaire. Les propriétaires des restaurants de cette banlieue de Dakar n’arrivent plus à ventre la moitié de leur capacité de production. Ils sont obligés, pour soutenir les familles démunies de céder une bonne partie de la marmite aux personnes qui font la demande.
Jeudi 16 mars vers 14 heures, au moment où des militants de l’opposition sont sur le terrain pour affronter les forces de défense et de sécurité à Dakar, sur l’axe Malika-Station Yeumbeul, trois jeunes filles âgées entre 15 et 20 ans circulent librement devant les boutiques qui font face à la route des Niayes. Leur objectif : trouver de quoi manger. A moins de 500 mètres du Terminus de Malika, elles voient un restaurant ouvert. Devant la porte, elles demandent à la propriétaire s’il est possible d’avoir un plat de riz gratuitement. Cette dernière qui avait déjà épuisé son repas à cause d’une forte affluence des clients qui avaient observé une journée morte les demande d’entrer à l’intérieur pour voir auprès des clients ou s’il y a des restants sur les tables.
A l’intérieur, elles trouvent quelques plats à moitié remplis de résidus et partagent le contenu. Sur place personne n’a pris le soin de lever les cuillères déjà utilisées par les clients. Après quelques minutes, elles sortent du restaurant pour continuer leur chemin.
Awa Sarr gère depuis plus de 12 ans ce restaurant à Malika, après quelques années au Port autonome de Dakar. Sa boite est devenue depuis le début de la crise sanitaire un lieu de refuse de beaucoup de personnes qui sont dans des situations difficiles. Initialement prévu pour accueillir des clients de la zone et des ambulants qui veulent se restaures, son restaurant fait désormais office d’un lieu caritatif et de restauration gratuite. En bonne croyante et mère de famille, Awa née et grandi au pays de la terrangua n’a pas d’arguments solides pour laisser partir une personne qui a faim et qui n’a pas assez d’argent pour se procurer d’un plat sénégalais.
« C’est très difficile de voir des gents qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts entrer et sortir sans manger. Je n’arrive pas à digérer cette désillusion. C’est pourquoi, je suis obligée de les demander ce qu’ils sont prêts à payer afin de les offrir un plat pour ne pas se sentir humilier devant les clients », a-t-elle soutenu.
Parmi ces individus, il y’a des personnes de troisième âge, des jeunes filles et garçons et des enfants, des élèves coraniques pour la plupart des cas. Si la majorité habite dans le 46ème département, d’autres sont des passants, des ouvriers ou des vendeurs ambulants.
A Dakar, des milliers de personnes font le commerce de détail et arpentent, du matin au soir, les routes et ruelles de la capitale sénégalaise à la recherche de clients. Avec l’inflation et la prolifération de grands magasins de proximités qui vendent en gros et en détail, les usagers des produits qui sont offerts par ces marchands ambulants préfèrent se ravitailler auprès des magasins qui offrent beaucoup plus davantage. Conséquence : la chute de leurs chiffres d’affaires. Des fois, ils arrivent de marcher toute une demi-journée sans vendre un article. Vu cette situation, ils sont contraints de tendre la main ou de visiter certains restaurants gérés par des personnes qui privilégient la solidarité aux profits, comme Awa Sarr, pour bénéficier d’une restauration gratuite.
Avec les conséquences de la pandémie du coronavirus et la guerre en Ukraine, plusieurs familles se sont retrouvées dans des situations extrêmement difficiles. Leurs sources de revenus ont connu des perturbations. Leurs enfants ont abandonné l’école pour chercher de petits boulots. Les filles qui n’arrivent pas à décrocher un travail se regroupent et n’hésitent pas à taper des portes des appartements pour trouver de l’aide en exposant leurs difficultés.
« Nous voyons ici des cas extrêmement difficiles, des filles qui viennent chaque jour demander de la nourriture, des personnes âgées, des enfants. Il arrive de partager nos repas, destinés initialement à la vente, entre ces personnes et nos clients. Parfois nos clients viennent et ne trouvent rien sur place », a-t-elle affirmé.
Avec l’augmentation de la demande des repas gratuits, la restauratrice ne fait que ce qu’elle peut pour au moins soulager les premières personnes. Elle, qui a été durement touchée par les chocs de l’économie, ne travaille que pour couvrir certains besoins de ses enfants. Avec son petit revenu, elle arrive tant bien que mal à assurer la continuité de son activité et de faires de petites actions humanitaires.
« Si nous avions des moyens, nous allions offrir tous les jours des plats aux personnes qui font la demande mais malheureusement nous n’avons pas les moyens. Ainsi nous demandons aux autorités d’agir, de venir en aide aux populations de Keur Massar qui soufrent », a-t-elle lancé.
Avec la victoire de la coalition Yewwi Askan Wi, qui a remporté les cinq communes sur six que compte le département de Keur Massar, l’espoir était permis. Mais depuis janvier 2022, les élus locaux peinent à trouver des moyens pour essuyer les larmes des massarois.
Par Oumar Ba