Face à la situation d’insécurité qui menace la paix au Sénégal, des acteurs de la société civile ont mis en place une initiative dénommée MESURe qui a pour objectif de donner la voix aux chefs religieux et coutumiers, aux enfants et aux femmes pour délivrer des messages de haute portée afin d’instaurer un climat apaisé dans le milieu politique, d’une part et de renforcer les acquis démocratiques au Sénégal, d’autre part.

« Aujourd’hui, le Sénégal est à la croisée des chemins. Tous les clignotants virent au rouge. Le Rubicon a été franchi à plusieurs reprises dans plusieurs courants de la vie active, autant sur le plan économique, sanitaire, juridique, social que politique. Il est plus qu’urgent de prendre nos responsabilités pour faire face à tous ces manquements et dérives afin d’éviter d’en payer le prix fort », a constaté la porte parole de l’initiative de la Mobilisation nationale pour l’Engagement citoyen, la Souveraineté, l’Unité et la Refondation, MESURe, lors d’un grand rassemblement à la place du Souvenir africain, dans la capitale Sénégalaise.

Plus de vingt organisations de la société civile sénégalaise, des membres des partis politiques, des autorités et responsables d’institutions se sont réunis mardi 28 mars à Dakar pour le lancement de la « semaine de la paix ». Initié par la MESURe, l’appel à la mobilisation nationale pour la paix et la sérénité intervient moins de deux mois après le lancement officiel du mouvement MESURe, à Dakar. Pendant une semaine – du 28 mars au 2 avril- les acteurs de cette initiative ont organisé des manifestations dans toutes les régions et tous les départements du Sénégal. Leur objectif : « faire parler la voix de la paix au Sénégal qui est depuis toujours un bien construit et entretenu par des générations de citoyens ».

Au Sénégal, la prochaine élection présidentielle est prévue le 25 février 2024. Plusieurs leaders de l’opposition ont déjà déclaré leurs candidatures. Si certains sont prêts à affronter l’actuel président, qui ne dit rien sur sa candidature en 2024, d’autres préférèrent battre campagne pour contester son « troisième » mandat. Défendue par les proches du président de la république et des responsables d’institutions, la candidature de la coalition Benno Bokk Yakaar, qui sera portée par l’actuel chef de l’Etat, suscite beaucoup de débats et d’appels aux rassemblements, source d’instabilité du pays.

Parmi les candidats en lice, plusieurs chefs de partis sont dans une situation incertaine puisque qu’ils ont été condamnés ou ont toujours des dossiers en cours dans les juridictions sénégalaises. Les candidatures de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, de Karime Wade, fils de l’ancien président sénégalais Maitre Abdoulaye Wade, et de Ousmane Sonko du parti Pastef, parmi les opposants les plus populaires et les plus critiques du pouvoir risquent d’être invalidées. Leurs militants, déjà avertis, sont prêts à affronter le pouvoir et les forces de défense et de sécurité pour échouer le projet qu’ils qualifient d’un système qui vise à éliminer des opposants pour rester autant que possible au pouvoir. Sur les réseaux sociaux, ils mobilisent des jeunes pour combattre à leurs côtés et véhiculent des messages violents.

Visé par l’affaire de viol et de diffamation, Ousmane Sonko a appelé, à chaque fois qu’il est convoqué par la justice, ses militants à manifester même sans autorisation pour défendre ses intérêts. En mars 2021, lors de l’éclatement de l’affaire de viol, 14 personnes ont été tuées, des centaines de personnes blessée et plusieurs entreprises étrangères pillées. Depuis, les cas de violences physiques et verbales continuent de gagner du terrain et de saper les efforts consentis par d’éminentes personnalités reconnues pour maintenir la paix au Sénégal.

« La paix est un idéal que nous devons tous vivre car sans elle, tout ce que nous cherchons à avoir sera vain. Donc, nous voulons que les acteurs politiques (…) et toutes les couches de la nation convergent vers cet idéal de paix », a dit Ibrahima Ndour Eddine Diagne, Administrateur général de Gaîdé 2000.

Le Sénégal a connu à plusieurs reprises des manifestations violentes avec des morts d’hommes, des jeunes pour la plupart, avant, pendant et après les élections. Sous le régime de Léopold Sedar Senghor, une quarantaine de personnes ont été tuées. En 2011, avec celui d’Abdoulaye Wade, plus de 10 personnes avaient perdu la vie lors des manifestations organisées par le Mouvement M23 et des partis de l’opposition. A l’origine des manifestations, la troisième candidature de Abdoulaye Wade. Les manifestants exigeaient, entre autres, des élections sans la supervision de l’ancien Ministre de l’intérieur Ousmane Ngom et le report de la présidentielle. Malgré leur forte mobilisation, ils n’ont pas obtenu gain de cause.

Ces dernières années, des citoyens dénoncent des faits qui ont conduit à la restriction des libertés des personnes. Ils accusent des responsables d’institutions d’avoir cherché avec les lois. C’est dans ce contexte que des institutions publiques et des religieux font souvent l’objet d’attaque.

Plusieurs cadres ont également été cités dans des cas de  malversations financières, de détournement de deniers publics sans qu’ils soient inquiétés et occasionnant davantage de précarité et de paupérisation. « Ces faits sont le terreau qui alimente les troubles et sont l’ennemi de deux piliers de la paix à savoir la justice et la vérité. Aujourd’hui, tout ce que le Sénégal subit comme violence est le résultat de ces actes manqués à la justice et à la vérité », a affirmé Marème Kanté, spécialiste en communication.

Selon Madame Kanté, le mouvement citoyen MESURe est venu à un moment opportun où il est temps d’interpeller tous les sénégalais et sénégalaises à une Mobilisation nationale pour un Engagement citoyen, la Souveraineté, l’Unité et la Refondation autour d’une réflexion à la fois stratégique, mobilisatrice et constructive pour asseoir une véritable dynamique républicaine. Face aux dérives et manquements qui menacent l’unité, la cohésion et le progrès social, l’initiative MESURe a vite compris qu’il faut agir maintenant afin de dompter les nuages sombres porteurs de violences et de troubles sociaux qui planent depuis un certain temps sur le ciel sénégalais a-t-elle poursuivi.

Directeur Exécutif de l’Organisation non Gouvernementale, Ong 3D, Moundiaye Cisse a rappelé que les confrontations que les sénégalais souhaitent dans l’espace public doivent être des confrontations d’idées, des programmes, des projets de société pour développer le Sénégal sur le plan économique et social et améliorer le vécu des sénégalais.

Le Sénégal a initié un vaste programme dénommé Plan Sénégal Émergent qui est devenu le nouveau cadre de référence des politiques publiques et visant la transformation structurelle de l’économie sénégalaise pour Un Sénégal Émergent à l’horizon 2035 dans un État de droit. Ainsi les autorités ont mobilisé d’importantes ressources financières pour améliorer les conditions de vie des citoyens. Depuis 2010, le pays ne cesse d’améliorer la qualité des infrastructures routières, sanitaires et éducatives. Le Train Express régional a été mis en circulation en décembre 2021. Plusieurs ponts, autoponts et autoroutes ont été construits pour renforcer la mobilité des personnes et des biens. Des universités, des instituts supérieurs d’enseignement professionnels, des centres de recherche ont été érigés dans presque toutes les régions du pays.

Selon les données de la BCEAO, le taux d’investissement du Sénégal est passé de 20.25 en 2010 à 35.16% en 2020. Les dépenses publiques en éducation totale (pourcentage des dépenses du gouvernement) passent de 17.16 en 2010 à 22.1% en 2020, d’après les données de la banque mondiale et l’espérance de vie à la naissance totale de 57 à 68 ans sur la même période. L’indicateur du réseau de transport sénégalais a connu une croissance de 2.5% entre 2012 et 2021, selon les statistiques de l’Ibrahim Index of Africa Governance, IIAG 2022. Le score passe de 39.8 à 46.3 sur 100 sur la même période. Ces performances ont permis au Sénégal d’avoir une tendance haussière du taux de croissance du Produit intérieur brut par habitant. Ce taux est passé de 1.5 en 2010 à 3.3 en 2021 (banque mondiale).

Toutes les initiatives prises par les autorités pour améliorer le climat des affaires visent à renforcer la résilience économique des sénégalais. Pour y arriver, il est important de préserver la paix, lutter contre la propagation de la haine afin que le secteur privé sénégalais puisse continuer ses investissements, que des hommes d’affaires étrangères aient davantage de la confiance et que les institutions internationales puissent continuer leur collaboration avec le Sénégal. Sans la paix, il sera difficile de promouvoir l’éducation, d’atteindre les objectifs de développement et de l’émergence au Sénégal.

« Mobilisons nous pour la Souveraineté, l’Unité et la Refondation dans un cadre citoyen pour que nous puissions préserver notre pays de l’instabilité, pour que nous puissions ramener la paix et la sincérité… », a appelé Docteur Cheikh Gueye, secrétaire permanent du Rasa (Rapport alternatif sur l’Afrique).

La semaine nationale de la paix a enregistré plusieurs milliers de participants de tout bord. Elle a été un moment d’échange de la culture et des vécus pour renforcer le vivre ensemble. « Il s’agit d’inviter les sénégalais à être ensemble pour réfléchir sur des questions essentielles qui nous unissent et qui nous permettent de se mettre définitivement ensemble sur le chemin du progrès économique et social durable » a affirmé Elimane Haby Kane, président du Think-Tanks panafricain LEGS-Africa et co-initiateur de la MESURe.

Les manifestations du mois de mars dernier ont menacé plusieurs entreprises de Dakar. Pendant une journée, des magasins, des stations de service et des banques ont été fermés, des lignes de transport public suspendues et des travailleurs du secteur informel confinés chez eux. L’économie nationale a enregistré de lourdes pertes.

« A partir du moment où on constate qu’il a des heurts, la réalité voudrait que certaines personnes puissent se lever pour attirer l’attention sur le danger qu’il y a à passer d’une opposition politique entre le pouvoir et ceux qui prétendent diriger à une animosité politique (…). Il faut qu’on alerte, qu’on rappelle qu’il y a un niveau qu’il ne faudrait pas dépasser; il y a le Rubicon qu’on ne doit pas franchir, autant pour ceux qui gouvernent ou pour ceux qui voudraient gérer », a expliqué Docteur Massamba Gueye.

Éclaté en 1982, le conflit Casamançais, qui n’a toujours pas dit son dernier mot, a bouleversé pendant plus de trente ans la cohésion nationale entre les habitants de cette zone et ceux des autres parties du pays. Ayant opposé les forces rebelles indépendantistes du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance et les forces gouvernementales, la crise a provoqué la mort de 4 000 à 5 000 personnes, selon le monde.fr. Le Haut-commissariat pour les réfugié (HCR) a estimé les déplacés entre 30 000 et 60 000 à l’intérieur de la Casamance et de 10 000 réfugiés répartis entre la Gambie et la Guinée-Bissau.

C’est pour éviter que la même situation se reproduise au Sénégal, déjà fragilisé par la crise au Sahel et le terrorisme qui se développe dans les pays frontaliers, que des acteurs de la société civile sénégalaise ont jugé nécessaire de sensibiliser davantage les citoyens sénégalais sur l’importance de préserver la paix et de lutter contre les proliférations des messages violents, source de déstabilisation et d’insécurité. Quelques jours après cette campagne, les institutions royales du Sine et d’Oussouye ont annoncé vouloir organiser du 12 au 16 mai de Diakhao et Fatick à Oussouye et Ziguinchor une caravane culturelle pour la paix en vue de mettre en valeur les mécanismes de prévention et de règlement des conflits qu’offre le patrimoine culturel en partage.

La pandémie du Coronavirus a produit des effets néfastes sur la croissance économique sénégalaise. Le taux de chômage et la pauvreté ont connu une nette hausse. Des entreprises ont été fermées après la baisse de leurs chiffres d’affaires et l’augmentation de leurs charges. Ces faits ont renforcé la souffrance des populations.

Pour désamorcer la bombe, il est important de multiplier ces initiatives et de les accompagner pour participer à la préservation de la paix. Les sénégalais aiment la paix. Cet amour s’explique par leur engagement à répondre aux initiatives destinées à alerter l’opinion nationale et apporter leurs contributions pour la construction de l’unité nationale.

Par Oumar BA (weerbijournal@gmail.com)

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