Face aux difficultés que rencontrent les populations du 46ème département, le Directeur du Centre de Promotion et de Réinsertion Sociale de Keur Massar appelle les autorités, les élus territoriaux et les entreprises du département à conjuguer leurs efforts en vue de soutenir les personnes qui souffrent à Keur Massar.
Travailleur social, Monsieur Sarr regrette le faible taux de couverture des Bourses de Sécurité familiale accordées aux personnes handicapées du département de Keur Massar. Pour soutenir les enfants issus des familles vulnérables, il a mis en place dès son installation à la tête du CPRS une association de parents dont les enfants sont des déficients intellectuels pour une meilleure prise en charge de leurs besoins.
Le Centre de Promotion et de Réinsertion Sociale est une structure déconcentréede la Direction générale de l’Action Sociale qui exécute les programmes sociaux de l’Etat du Sénégal. Parmi ces programmes,nous pouvons citer le programme national de la production des Cartes d’Egalité des Chances (CEC) pour les personnes handicapées : Un programmeest régi par la loi d’orientation sociale 2010-15 du 6 juillet qui permet à toute personne en situation de handicap d’être enrôlée afin de bénéficier des avantages sanitaires et économiques. Il s’agit, par exemple, de la couverture maladie universelle (CMU), de la bourse de sécurité familiale (BSF) et des cartes de transport Dakar Dem Dikk gratuit.
A Keur Massar, beaucoup de personnes handicapées attendent toujours leurs BSF. Quelles sont les raisons des lenteurs notées dans la gestion de ces bourses ?
Nous avons noté des difficultés avec les Bourses de sécurité familiale. Sur plus de 70 000 cartes produites, il y a, à peu près, 25000 personnes handicapées qui perçoivent leurs bourses et des titres de transport. Nous somme en train de réfléchir, de voir ce qu’il faudrait faire pour permettre à toute personne handicapée de pouvoir bénéficier des avantages du programme.
Qu’est-ce qui expliquece faible taux de couverture ?
Le souhait du Président de la République était de permettre à toute personne handicapée détentrice de CEC de bénéficier de la BSF. Des progrès ont été réalisés mais il faudrait élargir le dispositif réglementaire pour concrétiser le vœu du chef de l’Etat.
La Direction générale de l’Action sociale est en train de travailler sur ce point. Dans un avenir proche, les choses pourront s’améliorer. Il y a beaucoup de personnes handicapées qui se plaignent en disant qu’elles n’arrivent pas à bénéficier des bourses de sécurité familiale. Au niveau déconcentré, nous sommes en train de faire des efforts pour régler le problème. Nous allons travailler avec la DGAS pour trouver des solutions.
Au niveau départemental, nous avons procédé à l’enrôlement de près 250 personnes handicapées. Mais les cartes ne sont pas encore produites. Pour mettre fin à ces soucis, le MSAS a mis en place un programmede numérisations des cartes d’égalité des chances et lancé la plateforme d’enrôlement en ligne.
Le système numérique des cartes va relever les défis liés aux lenteurs dans la production et d’autres problèmes pendant l’acheminement des demandes des personnes.
A Keur Massar, les enfants handicapés sont confrontés à un problème d’inclusion scolaire. Le CPRS a-t-il des initiatives pour lutter contre l’exclusion de ces enfants ?
Le CPRS a pris part à part à un atelier avec une ONG spécialisée sur la protection de l’enfant sur la problématique de l’inclusion scolaire des enfants handicapés. L’objectif était de discuter et réfléchir avec des partenaires sur les conditions des enfants qui sont en situation d’handicap. Spécifiquement, il s’agit de voir quelle est la situation des enfants handicapés à Keur Massar, comment intégrer ces enfants handicapés à l’école et quel type d’inclusion, il faudrait mettre en place.
Nous sommes en train de travailler pour trouver des écoles d’inclusion des enfants handicapés parce qu’avant les autorités avaient mis en place des écoles spécialisées. Mais, elles ont vu que les écoles spécialisées posaient un grand problème de stigmatisations. Pour lutter contre les stéréotypes, nous essayons de prendre les enfants handicapés et de les amener dans les écoles classiques pour suivre leurs cours. Ce sont des orientations qui sont assez utiles et importantes pour permettre à ces enfantsd’avoir une éducation de qualité sans faire l’objet de discriminations.
A Keur Massar, il y a beaucoup de personnes en situation d’indigence. Qu’est-ce qui est prévu pour ces personnes ?
Nous avons d’abord un programme dénommé « Programme Enfance Déshéritée » (PED) qui offre aux enfants une subvention pour faire des formationsprofessionnelles et un appui solaire avec le soutien de la DGAS. Les bénéficiaires sont des enfants vulnérables, qui sont issus des familles défavorisées. C’est pourquoi nous leurs offrons ces subventions pour pouvoir faire des formations professionnelles ou de continuer leur scolarité dans les écoles privées avec qui la DGAS est en convention.
Ensuite il y a un autre programme qui s’appelle Programme d’Appui aux Personnes Agées (PAPA). Il permet aux personnes âgées de 60 ans et plus de recevoir une subvention pour initier des activités génératrices de revenu. Ce n’est pas parce qu’on est une personne âgée qu’on doit rester à la maison. La DGAS a pensé à cette couche de la population et a élaboré un programme d’appui en termes de subvention,d’organisation en GIE ou en association et de les donner des moyens pour pouvoir travailler.
La Réadaptation à Base Communautaire, RBC, est une autre initiative qui vise à organiser les personnes âgées en association pour recevoir des subventions pour avoir des activités aussi génératrices de revenu.
A Keur Massar, les prestations les plus courantes sont relatives à la prise en charge médicale. Nous avons remarqué que les gens souffrent à Keur Massar. Ils sont malades et ont un besoin énorme en prise en charge médicale. Nous recevons presque chaque jour plus de cinq demandes de prise en charge.
La DGAS offre une prise en charge aux personnes qui souffrent et qui n’ont pas la possibilité de suivre des traitements médicaux. Nous avons des conventions avec un certain nombre d’hôpitaux, comme Fann, Dalal Diam, HOGIP, Le Dantec, Pikine et celui des enfants de Diamniadio. Les personnes qui doivent suivre des traitements ou faires des opérations chirurgicaux dans ces hôpitaux ont des dossiers qui leurs permettent d’avoir une prise en charge gratuite à travers des lettres de garantie délivrées par DGAS.
Comment le CPRS travaille pour lutter contre le chômage des jeunes à Keur Massar ?
Le CPRS offre, dans le cadre de ses activités, des bourses de formation professionnelle aux jeunes victimes de décrochage scolaire. Il leurs offre une seconde chance pour avoir un métier. Le CPRS a signé uneconvention avec la mairie de Jaxaay-Parcelles dans le cadre de la formation des jeunes comme installateur en électricité de bâtiment. Les jeunes qui avaient déposé leurs demandes sont actuellement en cours de formation pour le Certificat d’Aptitude Professionnelle, CAP, en électricité.
Toujours dans le cadre de soutien aux jeunes, victimes de la déperdition scolaire, le CPRS a ouvert une formation en restauration et en couture pour des élèves, des filles et des garçons qui leur assurera l’insertion. Le partenariat 3 FPT/DGAS été l’opportunité pour le centre d’enrôler 24 jeunes demandeurs sur différentes formations professionnelles au niveau du département de Keur Massar.
Le centre travaille avec le préfet,les sous-préfets pour permettre aux gens d’avoir des certificats d’indigence pour des compléments de dossiers scolaires ou médicaux.
Au delà des demandes liées à la formation, nous recevons plusieurs personnes en situation de détresse. Des individus viennent ici pour exposer leurs problèmes et trouver des solutions parce que nous faisons de l’accompagnement psychosocial. Parmi eux, il y a des personnes qui ont des problèmes de location, de couple, de survie. Ils viennent au CPRS pour avoir des conseils parce qu’ils veulent exposer leurs problèmes, ils veulent être écoutés. Nous les orientons, nous les donnons des conseils pour sortir de cette situation.
Est-ce qu’on peut dire que la décharge de Mbeubeuss contribue à la vulnérabilité des enfants à Keur Massar ?
La décharge de Mbeubeuss a fait l’objet d’une discussion entre les personnes qui sont dans la protection des droits de l’enfant. On a enregistré à Keur Massar depuis quatre à cinq mois, la naissance à deux reprises de bébés siamoiss. Ce sont des faits inédits qui se passent à Keur Massar et qu’on ne retrouve peut-être pas dans les autres départements du Sénégal. Qu’est-ce qui est à l’origine de ces naissances ?Certainespersonnes se posent des questions. D’autres font un clin d’œil à la décharge de Mbeubeuss. Même s’il n’y a pas encore d’études scientifiques qui prouvent que c’est la décharge de Mbeubeuss qui est à l’origine des naissances d’enfants siamois, on peut comparer Keur Massar à certaines localités exposées à des produits chimiques où il y a souvent de naissance d’enfants avec une malformation. Parce qu’il y a des gens qui pensent que Mbeubeuss est une bombe écologique. La situation des enfants récupérateurs est une violence et il faudra réagir. Keur Massar fait face à d’innombrables problèmes sociaux.
Qu’allez-vous faire pour accompagner leurs parents ?
Dans le cadre de mes activités au niveau du CDPE (Comité Départemental de la Protection des Enfants) de Keur Massar, nous sommes en train de voir avec les hautes autorités de l’Etat la possibilité d’avoir une prise en charge pour l’évacuation de ces nouveau-nés à l’étranger.
Nous sommes, également, en train de discuter avec le 3 FPT pour aller à Mbeubeuss pour recenser les enfants qui travaillent dans la récupération pour les proposer des offres de formations. Ce projet avance à grands pas. A Keur Massar, les gens sont fatigués. Nous lançons un appel aux autorités et aux élus locaux pour accompagner l’action sociale pour soutenir les populations.
Qu’est-ce qui explique la recrudescence de l’insécurité à Keur Massar ?
Le problème de l’insécurité s’explique par plusieurs facteurs. Le premier est le manque de formation professionnelle. Les jeunes sans formations et qualifications qui sont dans les quartiers sont des personnesvulnérables. Ils s’offrent ainsi à la drogue, à l’agression, à la délinquance. Ainsi, lesautorités administratives et les mairies doivent travailler ensemble pour offrir à ces jeunes des cadres de formation professionnelle pour sortir de cette situation.
Le deuxième facteur est relatif au comportement des parents vis-à-vis de leurs enfants. Les chefs de familles ont tendance à baisser les bras quand ils se retrouvent dans des situations difficiles. C’est parce que les parents peinent à trouver des moyens de subsistance. Leur premier souci, c’est debouillir la marmite. L’éducation des enfants n’est plus une priorité pour ces parents. A titre illustratif, chaque matin, nous voyons des femmes déserter dès l’aube leurs foyers pour chercher de marchandises à revendre afin d’assurer leurs dépenses quotidiennes.
Il y a aussi la promiscuité, le boom démographiquequi renforcent l’insécurité.
Au niveau de l’action sociale, nous sommes en train de faire un travail de fond pour extraire les enfants de la rue. Dans le cadre de nos activités de protection des enfants, nous avons eu à lutter contre les enfants qui errent et qui passent la nuit sous l’autopont de Keur Massar.
Il y a aussi la forêt de Mbao qui est un problème d’insécurité notoire. Les passagers et des automobilistes font souvent l’objet d’agressions.
Nous lançons un autre appel aux entreprises qui sont implantées à Keur Massar, dans cadre de la responsabilité sociétale des entreprises, pour venir contribuer à l’effort collectif en vue de contribuer aux actions sociales destinées aux populations. Il y a des entreprises qui sont à Keur Massar et qui gagnent beaucoup d’argent.Elles doivent réinjecter une partie de leurs profits dans le département pour soutenir le développement local et lutter contre le chômage des jeunes, source d’insécurité.
Keur Massar manque de beaucoup de choses. Les jeunes n’ont pas beaucoup d’espaces pour se libérer. Les sociétés et les opérateurs économiques qui travaillent à Keur Massar doivent s’organiser et initier des actions de solidarité dans le département pour venir en aide à ses populations.