Enseignant à la retraite, Léopold B. Senghor vit depuis janvier 1990 à Keur Massar. Il  est actuellement le délégué de quartier de Aïnoumady 1, le plus touché par l’autopont de Keur Massar. Dans cette interview, il soutient que l’autopont de Keur Massar, au lieu de servir aux populations, il dessert et accentue davantage les embouteillages, l’encombrement humain et l’insécurité.

Par Oumar Ba

Quel est l’impact de l’autopont sur le quotidien des Massarois ?

Keur Massar a grandi, très vite, avec la création des cités d’habitations à tel point que le problème de la circulation s’est posé très tôt. Et justement, comme solution, la création de l’autopont s’annonçait comme profitable aux populations. L’autopont a été construit, bien sûr, avec tout ce que cela a coûté.

Pour mon quartier, en tout cas, il y a beaucoup de maisons qui ont été détruites, beaucoup de maisons démolies. Même s’il y a eu un dédommagement, les concernés avaient dit qu’ils ont été mal dédommagés.

C’est avec beaucoup d’espoir que nous attendions cet autopont. Mais le constat qui est fait aujourd’hui, c’est que d’abord, il est mal orienté. Nous pensions que la partie la plus élevée prendrait le sens de la route nationale et se dirigerait vers le village de Keur Massar. Malheureusement, ce que nous constatons, c’est que cette hauteur a été installée dans le sens de Malika-Jaxaay et aujourd’hui nous avons constaté, après la mise en circulation de cet autopont, que rien n’a été réglé du point de vue de la fluidité de la circulation. Au contraire, le constat est que la situation s’est presque empirée.

Pour partir ou bien revenir le soir dans Keur Massar, beaucoup de personnes qui prennent les transports en commun descendent depuis la forêt, au niveau du dernier rond-point, avant d’arriver au garage de Ndiaga Ndiaye. Les gens marchent depuis ce rond-point-là jusqu’à l’entrée de Keur Massar. Et c’est vraiment dommage.

En-tout-cas l’impact, c’est que le pont, pratiquement, n’a rien réglé. Il faut oser le dire. Au début de la mise en circulation, les autorités avaient pris des mesures pour dégager l’encombrement humain qu’il y avait autour du rond-point. Il y a même une note du préfet qui interdisait aux marchands de s’installer sur les emprises de l’autopont, mais aujourd’hui le constat est amer.

L’autopont est là et il est aujourd’hui envahi par toutes sortes de commerces et ça crée encore les embouteillages, l’encombrement, l’insécurité et tout ce que l’on peut croire à cet effet. Donc c’est ça la situation que nous vivons aujourd’hui. L’autopont, en tout cas, n’a pas réglé à mon avis ce que nous attendions de lui du point de vue de la circulation et du point de vue du règlement de la sécurité.

Et sur la question des inondations … ?

Je ne voulais même pas aborder la question des inondations parce que mon quartier est victime du pont en termes d’inondations. Je l’ai déjà dit. Le pont nous a déversés abondamment de l’eau de pluie en quelques instants. Dès la première pluie du 20 juillet 2022, le pont nous a déversés énormément d’eau au point que tous les quartiers, en une seule pluie et la première pratiquement, était complètement inondé. Il faut aussi le dire. Je réitère mes propos que j’avais déjà tenus,  s’il n’y a pas de canalisation jusqu’au prochain hivernage, la même situation risque de se reproduire.

Les autorités sont venues et elles ont promis une canalisation. Si c’est fait, ça réglera peut-être le problème. Mais si ce n’est pas fait, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous serons encore dans les inondations et de plus bel encore.

Avez-vous une idée sur le nombre de personnes impactées par l’autopont ?

Ici, tout le quartier, tout le monde, est impactés par les inondations. C’est des centaines de personnes, tout le monde ressent les inondations chez soi. Personne n’est épargné dans les quartiers. Il y a peut-être des maisons qui sont beaucoup plus proches des plus « bas niveaux » et elles sont plus naturellement atteintes que d’autres.

Quel est l’impact financier des dégâts ?

Nous n’avons pas les moyens pour évaluer financièrement les dégâts qui ont été causés par les inondations. Mais il faut dire que les dégâts étaient très nombreux. Beaucoup de maisons sont d’ailleurs abandonnées à cause des inondations. Si certains sont partis, d’autres, après les pluies, peuvent revenir.

Comme solution, les autorités nous ont envoyé une grosse pomme qui a vraiment soulagé les populations. L’ADM (NDLR : Agence de Développement Municipal) nous a soutenu par l’installation de cette électropompe et un grand tuyau qui a évacué les eaux. N’eut été cette électropompe, cette installation de l’ADM, on aurait tous quitté le quartier, on n’aurait pas pu résister à la furie des eaux.

Doit-on attendre l’hivernage prochain pour reconduire le même dispositif ou doit-on trouver d’autres perspectives pour lutter contre les inondations ?

De toute façon, les autorités ont des solutions et la meilleure solution, c’est de mettre une canalisation qui puisse naturellement évacuer les eaux de pluie. L’autorité s’est engagée à travers la phase numéro 2 du PROGEP (NDLR : Projet de Gestion des Eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique) …

Si le programme-là, tel qu’ils l’ont promis, prend en charge la canalisation, certainement à l’hivernage 2023, il pourrait ne pas y avoir de problèmes. Mais, s’il n’y a pas de canalisation, ce qui est sûr, c’est que la situation va demeurer. Il n’y aura pas de bonnes solutions.

Quelle est la solution pour limiter les conséquences de l’autopont sur la mobilité des personnes et des biens ?

De toute façon, l’autopont est déjà construit, certainement à coup de milliard (…) que les autorités sachent qu’il est mal orienté. Plutôt que de servir, il a plutôt desservi les populations. Il faut le reconnaître. Maintenant, est-ce qu’il y a une solution ? Je ne sais pas. Peut-être, tracer d’autres voies de dégagement qui permettraient à d’autres personnes de ne pas venir jusque dans Keur Massar et de prendre des voies de contournement pour aller au-delà de Keur Massar. Peut-être que ça réglerait en partie le problème de la circulation. Mais, à l’état actuel, l’autopont, au lieu de servir à mon avis, il dessert.

By Oumar

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