Avec la découverte ces derniers mois de la nouvelle route migratoire qui traverse le Nicaragua, des milliers de jeunes africains n’ont pas hésité à vendre leurs biens et entreprises pour chercher de meilleures conditions de vie et de travail aux États-Unis.

* : les prénoms ont été modifiés

Dans la banlieue dakaroise, des jeunes qui ont été informés de la découverte de la nouvelle route migratoire qui traverse le Nicaragua et le Mexique ont décidé de suspendre leurs activités génératrices de revenus, vendre leurs biens et céder leurs petites et moyennes entreprises pour investir dans un voyage qui les mène vers les États-Unis d’Amérique. Malgré la cherté du prix du billet d’avion Dakar-Managua, qui tourne autour de 3,2 millions de FCFA, et les crises économiques et sanitaires qui ont touché plusieurs pays développés et augmenté leurs taux de pauvreté et de chômage, ces jeunes ne désistent toujours pas.

Âgé d’une trentaine d’années, Demba* tient un atelier de couture à la cité Asecna de Yeumbeul Nord (département de Pikine) depuis une dizaine d’années. Il emploie quatre apprentis dans sa petite boîte. Il a un parent qui est établi aux États-Unis depuis plus de deux décennies. Ce dernier a réussi à installer son atelier de couture et est confronté à un problème de main d’œuvre bon marché. C’est pourquoi il invite son neveu à le rejoindre afin  de l’accompagner dans l’exécution de ses tâches.

Demba qui est en train de négocier un billet d’avion pour aller au Nicaragua avait déjà tenté à plusieurs reprises de quitter le Sénégal pour aller en Europe mais n’a jamais réussi à obtenir un visa.  Moins de cinq mois avant la découverte de cette nouvelle route migratoire, il avait déjà entré en contact avec un passeur qui lui a proposé des services pour l’obtention d’un visa Schengen pour un coup de plus de trois millions de FCFA.

Ce projet n’a toujours pas abouti. Puisque l’homme d’affaires qui gérait son cas a réussi à encaisser une partie du net à payer lorsque qu’il lui a envoyé une photo du visa par WhatsApp mais refuse toujours de lui remettre le passeport. Il a soutenu que celui qui était derrière le dossier est poursuivi par la justice sénégalaise et ne peut plus remettre le passeport à son propriétaire.

Aujourd’hui, le visa en question serait déjà expiré et Demba court toujours derrière son passeport. Ce qui a bloqué son deuxième projet : le voyage pour les USA puisque même s’il n’est nécessaire de trouver un visa pour entrer au Nicaragua, il est obligatoire de détenir son passeport pour embarquer dans les avions.

Son oncle qui devait payer au passeur l’intégralité du montant a été surpris par le geste de ces personnes et garde toujours espoir. Aujourd’hui, il est encore près à payer un autre montant, estimé à plus de cinq millions de FCFA pour tout le trajet de Dakar aux États-Unis mais exige des garanties. A défaut, il demande aux passeurs de lui permettre de payer la facture une fois son neveu entrer aux États-Unis. Ce dernier qui a, à plusieurs reprises, payé sans succès des passeurs pour expédier les membres de sa famille ne baisse toujours pas ses bras et y croit encore.

« J’ai toujours rêvé voyager. Mon oncle est impatient de me voir aux USA pour lui apporter un soutien dans la gestion de son business. C’est lui qui m’a demandé de chercher des pistes pour quitter le Sénégal. Et il est prêt encore à financer des voyages pour soutenir ces personnes qui peinent à vivre convenablement dans leur pays », a expliqué Demba qui projette de vendre son matériel d’exploitation une fois réussi à franchir les frontières américaines.

Fondateur de Maodo-Automobile, Maodo, quant à lui, ne pense même pas à quitter son pays pour aller ailleurs car il croit à la réussite à domicile. Selon lui, en investissant tous ces moyens, les jeunes espèrent au retour avoir beaucoup plus dans les années à venir. « Peut-être, ils croient que les Etats-Unis sont meilleurs que leur pays parce qu’ils n’ont plus d’espoir chez eux. Et si ils trouvent des millions pour un voyage, c’est parce que une fois là-bas, ils espèrent plus, a-t-il expliqué. Je n’ai jamais pensé que je vais réussir dans un pays autre que le mien. Je crois à mes compétences et à mon pays. »

Le PGD de Maodo-Automobile a la possibilité de voyager, c’est-à-dire des moyens mais préfère investir ici pour développer mon pays avec le peu de revenu qu’il gagne.

Samba* est également un tailleur à Guédiawaye. Il a un grand frère qui vit aux États-Unis depuis 2006. Son frère a eu l’opportunité de construire des immeubles à Dakar et soutenir des connaissances pour créer des entreprises au Sénégal.

C’est la situation économique de son frère qui a poussé Samba à vouloir tenter l’émigration en exploitant cette nouvelle opportunité pour au final renforcer sa résilience économique et acquérir certains biens et services au Sénégal.

« Malgré les différents efforts que nous fournissons depuis le début de nos activités, nous n’arrivons toujours pas à couvrir nos différentes charges », a regretté Samba.

Deux jours avant notre rencontre, la société Sen Eau avait informé Samba que son abonnement serait suspendu s’il ne payait pas avant le 16 août sa facture d’eau évaluée à 40 000 FCFA. La même semaine, il avait reçu une facture d’électricité de 60 000 FCFA. Ces dépenses et d’autres liées à la santé et à l’éducation, entre autres, restent chez lui un problème difficile à résoudre.

Il a eu le courage grâce à l’entrée aux États-Unis de ses deux anciens camarades d’école coranique par la nouvelle route migratoire. L’un était un commerçant et l’autre était dans l’élevage de poulets de chair. Le premier a cédé son affaire et a bénéficié du soutien financier de ses proches pour prendre en charge son voyage. L’autre a traversé les frontières entre les États-Unis et le Mexique grâce à l’appui de ses parents qui ont mobilisé cinq millions et cinquante mille FCFA.

Étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en cinquième année en gestion des ressources humaines, Ousmane Fall est contre cette forme d’émigration pour deux raisons. « D’abord du point de vue social, je considère que la pauvreté est un état d’esprit. Comment peut-on avoir plus de deux millions à dépenser pour un billet de transport et dire qu’on est pauvre ?, se pose-t-il la question. Je considère que ce montant pouvait servir à financer un business au pays d’origine tout en restant en famille. Mais le Sénégalais contrairement aux guinéens ne veut pas faire n’importe quel travail au pays devant ses semblables alors qu’ailleurs il peut accepter n’importe quel travail ».

Du point de vue économique, il pense que si on investit cet argent au Sénégal sans complexe ne serait-ce que dans l’élevage de volailles, cet argent pourra aider toute la famille sans aucune rupture. « C’est l’investissement de toute une famille qu’on prend pour l’achat d’un ticket avec tous les risques. Finalement la famille peut échouer et s’appauvrir à vie », a-t-il ajouté.

Aujourd’hui, cette nouvelle route migratoire qui enrichit des entreprises évaluant dans le tourisme est devenue une réelle menace pour l’économie africaine. Puisque des centaines d’entreprises ont été fermées en moins d’une année, des milliers d’emplois perdus et de la valeur ajoutée en chute libre.

Par Oumar Ba, weerbijournal@gmail.com

By Oumar

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