Les inégalités de genre dans le secteur extractif au Sénégal sont en train de disparaître. Sur 25 élèves-ingénieurs inscrits en 1ère année à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines et de la Géologie, 12 sont de sexe féminin.
A l’Ecole nationale supérieure des Mines et de la Géologie (ENSMG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ces dernières années, le taux d’accès des filles aux formations d’ingénieries en mine et géologie a enregistré une nette amélioration. Le pourcentage des filles inscrites en première année à l’ENSMG est passé à 55% en 2021-2022.
Source : Oumar Ba avec les données de l’ENSMG
« Les statistiques ont beaucoup évolué dans le sens de la parité. Pour ma promotion et les promotions précédentes, le nombre d’élève ingénieur femme par classe dépassait rarement une femme par promotion. Aujourd’hui, on est pratiquement à la parité entre homme et femme », a rappelé Monsieur Diaw.
L’augmentation des filles à l’ENSMG n’est pas liée à des initiatives ou politiques discriminatoires mais aux efforts individuels des filles et à la disponibilité des informations sur les opportunités d’emplois du secteur extractif. « Nous n’avons mis en place aucune politique discriminatoire en faveur des femmes. Les filles sont aujourd’hui attirées par les femmes qui occupent de postes de hautes responsabilités à l’intérieur et à l’étranger et les résultats qu’elles enregistrent, a affirmé le Directeur de l’école. Ces dernières années on a noté une plus grande participation des filles aux concours d’entrée à l’ENSMG. Les découvertes du pétrole et du gaz et l’exploitation des ressources extractives ont joué également un rôle important dans le choix des formations des fille ».
« Avec cette tendance, on peut espérer dans les années à venir à une parité au niveau des emplois créés dans le secteur extractif au Sénégal », a-t-il ajouté.
Elève-ingénieure à l’ENSMG, Ex Institut des Sciences de la Terre, Mame Aida Samb est membre de l’amicale des étudiants de cette école. Dans le cadre de ses activités pédagogiques annuelles, son association organisait samedi 11 mai une conférence sur le thème : « Comment industrialiser le Sénégal avec le gaz naturel ? » en partenariat avec la direction des études de l’école.
Durant des années, les femmes étaient reléguées au second plan. Elles n’avaient pas la possibilité de faire des études supérieures et surtout dans le secteur extractif qui est supposé appartenir aux hommes. Les pesanteurs socioculturelles ont joué un rôle important dans l’exclusion des femmes dans plusieurs secteurs au Sénégal et dans beaucoup de pays africains. « Cette marginalisation était liée aux conditions sociales de la femme. Beaucoup pensaient que la place de la femme, c’est au niveau des foyers. D’autres pensaient que les conditions d’étude et de travail dans les sites miniers étaient difficiles à gérer pour des femmes et surtout pour celles qui sont mariés qui sont soumises à certaines conditions. Avec les congés de maternités, les entreprises préféraient employer des hommes qui peuvent travailler tous les jours qu’aux femmes », a-t-elle soutenu.
Depuis le collègue de Bargny où elle étudiait, Mame Aida était déjà passionnée par l’exploitation du pétrole et du gaz. Ce n’est pas une surprise puisque Bargny est une localité située dans une zone riche en ressource extractive. C’est pourquoi son entourage lui suggérait, après le baccalauréat, de faire le concours d’entrée à l’Ex IST pour réaliser son rêve en travaillant dans le secteur des mines et du pétrole une fois son diplôme d’ingénieur obtenu à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Le Sénégal a découvert du pétrole et du gaz au large de ses côtes. L’exploitation de ces ressources prévue en 2024 va générer beaucoup d’emplois et des revenus. Les réserves du projet Grand Tortu Ahmeyin sont estimées à 563 milliards mètres cubes de gaz naturel. Celles de Yaakaar à 425 milliards de mètres cubes de gaz naturel et Teranga à 142 milliards de mètres cubes. Les réserves du projet Sangomar sont évaluées à 630 millions de barils de pétrole brut et de 113 milliards de gaz naturel. Ce dernier a un profil de production de 100 000 barils de pétrole par jour.
A l’école, elle a découvert que malgré les informations sur la faible présence de filles dans les filières de formation de l’IST, les étudiantes sont bien représentées et occupent la moitié de la classe. « La femme est bien représentée ces dernières années et on est presque à 50% pour notre promotion ce qui n’était pas possible les années passées à cause des pesanteurs culturelles », a-t-elle expliqué.
Son objectif est de renverser la tendance et de passer le taux de présence des femmes dans les emplois du secteur extractif à 50% dans les années à venir. « Les femmes sont marginalisées dans ce domaine et j’espère que ça va changer dans les prochaines années à cause de l’égalité d’accès à la formation es mines et de la géologie. Avec les diplômes, les femmes auront de grandes responsabilités », a-t-ajouté.
Durant des années, les femmes étaient reléguées au second plan. Elles n’avaient pas la possibilité de faire des études supérieures et surtout dans le secteur extractif qui est supposé appartenir aux hommes. Les pesanteurs socioculturelles ont joué un rôle important dans l’exclusion des femmes dans plusieurs secteurs au Sénégal et dans beaucoup de pays africains. « Cette marginalisation était liée aux conditions sociales de la femme. Beaucoup pensaient que la place de la femme, c’est au niveau des foyers. D’autres pensaient que les conditions d’étude et de travail dans les sites miniers étaient difficiles à gérer pour des femmes et surtout pour celles qui sont mariés qui sont soumises à certaines conditions. Avec les congés de maternités, les entreprises préféraient employer des hommes qui peuvent travailler tous les jours qu’aux femmes », a-t-elle soutenu.
Avec son engagement, l’objectif sera bientôt atteint puisqu’elle bénéficie contrairement à plusieurs filles du soutien de ses parents parce qu’ils sont compréhensif et acceptent de vivre avec l’évolution.
Selon le rapport de la Banque mondiale sur « les femmes, l’entreprise et le droit », la baisse des inégalités entre les hommes et les femmes pourrait augmenter le PIB mondial de plus de 20% dans les dix prochaines années.
Elève ingénieure en 4ème année à l’ENSMG, Marie Kane a obtenu son baccalauréat série scientifique au lycée Seydou Nourou Tall de Dakar. Comme plusieurs étudiants, elle n’avait pas assez d’informations sur les opportunités qu’offre les mines et hydrocarbures du Sénégal. « Je n’avais pas d’informations au lycée sur les formations proposées et les écoles qui préparent aux métiers du secteur extractif. C’est après l’obtention du diplôme de baccalauréat que j’ai découvert cette école à travers des recherches », a-t-affirmé.
Mademoiselle Kane a été attirée par les personnalités du milieu et qui sont sortis de l’IST. Il s’agit de l’ancien président de la République du Sénégal, Macky Sall et d’autre alumni qui sont engagés dans les institutions internationales, administrations publiques et privées du pays grâce à leurs solides formations et résultats qu’ils font. « La formation n’est pas du tout facile, a-t-elle reconnu. Mais le domaine de la géologie et des mines est passionnant. »
Dans un milieu dominé par des hommes, seul l’engament et la détermination des filles sont déterminants pour lutter contre les inégalités d’accès aux formations et aux emplois du secteur. Malgré les charges qui pèsent sur la performance des femmes, la future ingénieure soutient que « rien n’est impossible et la femme peut être étudiante ou employée et en même temps gérer son foyer ».
« Il faut y croire, aller jusqu’au bout et éviter les gens qui soutiennent que les femmes ne peuvent pas réussir dans certains domaines », a-t-elle lancé.
Au ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines, actuellement fusionné avec le ministère des Mines et de la Géologie, une cellule genre a été mise en place. Elle est chargée en relation avec les structures du département, de formuler des propositions et d’élaborer un plan d’actions pour une prise en compte efficiente et à tous les niveaux de l’approche genre et équité dans les programmes du ministère du pétrole et des Energies et de coordonner des actions y relatives. Le ministère dispose du Plan d’action Nationale Genre-Energie, élaboré avec l’appui de la CEDEAO qui en 2013 a adopté la politique d’intégration de la dimension genre dans le secteur de l’énergie. Le document vise au moins une parité Homme-Femme 50-50 d’ici 2030.
Ces initiatives et les nouvelles tendances vont dans les prochaines années relever le défi de la présence de femmes dans le secteur extractif au Sénégal. Depuis 2018, le pourcentage de femmes dans les emplois créés dans le secteur extractif au Sénégal n’a jamais dépassé 10%. « La faible présence des femmes (dans le secteur extractif, ndlr) peut être expliquée en partie par le fait que la formation d’ingénieur géologue ouvre des possibilités variées sur le choix des métiers à exercer. Le secteur extractif est un domaine qui s’exerce en général dans des conditions de travail assez dures pour une femme, liées à la nature des activités et à la situation géographique des zones d’intervention », a expliqué Monsieur Ibrahima Diaw Ingénieur géologue de conception et ancien président de l’amicale des élèves ingénieurs de l’Ecole nationale supérieure des Mines et de la Géologie du Sénégal.
Les travailleurs dans les carrières dans le milieu rural sont obligés de rester sur le terrain au moins pendant un mois et demi. Ils ont droit à un congé de deux semaines. « Travailler en dehors des centres urbains pendant au moins 45 jours pour prendre ensuite un breack de deux semaines et retourner sur le terrain n’est pas une chose aisée pour la grande majorité des femmes », a-t-il ajouté.
Le réseau des femmes dans le secteur extractif, Women In Mining, a élaboré un indice de genre pour rendre compte de la situation des femmes dans le secteur et des progrès à faire améliorer leurs conditions de vie et de travail. A travers son plan d’action et les plaidoyers des organisations de la société civile qui prônent l’égalité des chances, il a réussi à intégrer le Groupe Multipartite de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives su Sénégal.
Si les filles maintiennent la tendance observée à l’ENSMG, dans quelques années, la part des femmes dans le secteur extractif va connaître une nette hausse.
Par Oumar Ba (weerbijournal@gmail.com)