Pour accompagner le président de la République dans son programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes (Xeyu Ndaw Ni), le ministre de l’économie, du plan et de la coopération a mis en valeur le projet initié depuis plus de quatre ans par Abdoulaye Diop, l’administrateur du centre de formation et d’incubation. Le Centre Sidy Hott propose des orientations et des formations en boulangerie, pâtisserie, viennoiserie et transformation de céréales locales aux jeunes résidents à Yeumbeul Sud pour lutter contre le chômage et la dépendance économique.

En un mois et demi, l’administrateur a formé 87 jeunes dont 70 % des filles dans la boulangerie, la pâtisserie et la viennoiserie. Grâce à cette formation, une dizaine de jeunes ont été insérés dans les entreprises évoluant dans la restauration. D’autres ont commencé à produire chez eux pour leurs comptes en attendant de trouver une meilleure proposition.

Pour la nouvelle session de formation, les demandes ont connu une forte hausse due à la qualité de la formation et aux opportunités de financement qui s’offrent aux jeunes. Parmi les dossiers sur la table, on retrouve des professionnels qui veulent renforcer leurs compétences, des étudiants en Master I et plusieurs spécialités.

Pour diversifier les formations, le ministre a mis en place une salle informatique équipée d’une cinquantaine de machines de dernières générations et le centre s’apprête à accueillir ses premiers étudiants en informatique dès le début du mois de mars.

Avec Amadou Hott, Yeumbeul Sud espère mettre fin au chômage des jeunes à travers des formations gratuites et booster l’excellence avec l’exploitation de la cantine scolaire au profit de 5000 élèves.

Oumar Ba : Monsieur Diop, vous êtes l’administrateur du centre de formation et d’incubation (Centre Sidy Hott). Vous avez formé 87 jeunes de Yeumbeul Sud, comment est née cette initiative ?

Abdoulaye Diop : La formation a démarré le 11 juillet 2021 juste après notre première rencontre avec Monsieur le Ministre Amadou Hott.

Nous avions conçu ce projet, il y a à peine quatre ans. Malheureusement certaines autorités ne nous avaient pas prêté une bonne oreille. On a eu la chance d’avoir un ami qui nous a introduits chez le ministre. Après les explications qui ont duré sept minutes,  le ministre a validé le projet. Donc on peut dire que c’est lui le bailleur et c’est lui qui a mis en forme cette idée que nous avions eu depuis quatre ans.  Le projet est né et il m’a laissé déroulé jusqu’à ce jours.

Comment avez-vous convaincu le ministre pour vous accompagner dans cette perspective ?

Les bonnes idées se partagent mieux. Je suis né dans une famille de boulangers. Mon grand père est très connu dans ce milieu (paix à son âme). Il nous a laissé quatre boulangeries. Comme disent les lutteurs, nous avons été nourris par l’agent du pain.

Après avoir fait quelques études au niveau de la transformation de la céréale, j’ai voulu combiné boulangerie et consommation locale. C’était ça ma première idée. Quand j’ai eu l’honneur d’être reçu par Monsieur Hott, financier qui a une vision exceptionnelle et très pratique, il a été convaincu, a validé le projet et a demandé le coup du projet.

On avait estimé les investissements à cinq millions en matériels, matières premières et honoraires aux experts, formateurs. Même si on n’a pas atteint ce montant, on a réussi à faire une formation pour 87 boulangers qui sont sortis après deux mois et demi de formation.

Avez-vous d’autres partenaires pour le financement de la formation ?

La fédération nationale des boulangers est notre premier partenaire. Le président a contribué à la formation en mettant à notre disposition un expert, connu mondialement, pour nous assurer une des plus solides formations.

Après, j’ai pris langue avec les autorités de la SOCOMAF, leader dans distribution de levure fraîche de planification (hirondelle). Elles ont accepté de faire une formation d’une semaine en pâtisserie pour les bénéficiaires. La direction commerciale de la SOCOMAF a pris en charge les tenues, la restauration et le transport des élèves durant toute la durée de la formation.

Quels sont vos cibles et pourquoi ?

Nous avions choisi une formation de courte durée. Mais dans cette zone, tout est urgence. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas réfléchir à long terme. Nous devions prendre des mesures urgentes pour trouver des solutions au chômage des jeunes.

Certaines personnes avaient hésité en disant que la boulangerie ne nourrit pas son homme, d’autres avaient le complexe de servir dans la restauration. Finalement nous avons convaincu tout le monde.

Compte tenu de l’espace dont nous disposions, nous étions obligés de réduire les demandes. Certains sont venus avec leurs ambitions et dans le but de réaliser leurs rêves dans la restauration en disant que c’est un métier comme les autres. D’autres ont été influencés par un esprit de camaraderie.

On avait eu même des jeunes titulaires de diplômes supérieurs des universités publiques du Sénégal et des boulangers qui avaient déjà pratiqué ce métier et voulaient se perfectionner.

Nous n’avions pas spécifié une cible. Tout jeune lettré ou non, dans le secondaire ou le supérieur avait sa place au centre de formation. On avait souhaité avoir des jeunes habitants dans la zone et qui voulaient faire une formation en sacrifiant leur temps pour être présent de 9 heures à 15 heures.

Nous avions plus de filles que de garçons. Parce que les gens pensent que la cuisine est strictement réservée aux filles. C’est pourquoi elles représentaient 70% des jeunes formés.

Quels sont vos objectifs à court terme ?

Tout ce qu’on peut faire, c’est la formation. Compte tenu du background et des relations du bailleur et surtout de son statut de ministre de la république, il nous a octroyé des fonds et nous a mis en relation avec les agences pour la promotion de l’emploi des jeunes, la DER et les structures privées.

Pour leur insertion professionnelle, nous avons constitué des GIE pour la création d’entreprises. Le reste sera recommandé à la SOCOMAF qui avait promis de récupérer les 10 premiers en les insérant au niveau des supermarchés.

Nous sommes entrain de prospecter en individuel. Il y a des jeunes qui sont déjà en stage (cinq à six) et qui sont bien appréciés. D’autres sont dans les boulangeries de Malika et de Pikine.

Notre objectif après la formation est de les accompagner pour qu’ils ne perdent pas la main et qu’ils soient autonomes par rapport à la première formation.

Qu’attendez-vous de cette première promotion ?

Nous volons les aider à intégrer un tissu économique qui offre des opportunités pour tout le monde. A l’hôpital de Yeumbeul, ils ont un restaurant et ils n’ont pas de fournisseurs. J’ai discuté avec la responsable pour nouer un partenariat. Actuellement, nous sommes entrain de voir comment mettre en place une petite boulangerie en face de l’hôpital en vue de satisfaire la demande sur place.

Quels sont les autres perspectives pour diversifier les formations ?

Nous avons déjà signé un protocole avec le formateur en informatique. Nous voulons nous lancer dans le service d’hygiène en mettant en place des brigades et dans la formation en sécurité. Nous avons ciblé 13 secteurs pour la formation et l’insertion des jeunes avec l’appui des autorités publiques et privées du pays.

La formation est-elle entièrement gratuite ?

La formation est entièrement gratuite. C’est le bailleur, Monsieur Amadou Hott qui assure le financement.

Pour la constitution des GIE, Comment comptez-vous accompagner les jeunes ?

Les dossiers des six GIE ont été constitués avec leurs filiations. L’organisation est bien structurée.  Les présidents, les secrétaires généraux et les trésoriers ont été désignés. En plus, ils sont allés à l’ANPEJ pour présenter leurs business plan afin de trouver des financements. Leurs projets ont été validés par la structure. Il reste le dépôt au niveau de la DER.

Avez-vous d’autres structures comme les institutions financières qui vous accompagnent ?

Nous avons un projet et un bailleur. Pour le moment, nous nous limitons à cette démarche. Tout ce qu’on a à faire en plus, c’est de les mettre en contact avec les institutions étatiques (ANPEJ, DER). Pour d’autres structures, j’avoue que nous n’avons pas encore fait des démarches.

Pour la deuxième session, vous avez une demande plus importante que la première, qu’est-ce qui explique cette forte affluence ?

La première phase, nous avions enregistré une centaine de demandes. Nous étions obligés d’arrêter avant les élections. Aujourd’hui, on a 200 demandes de formations. Cette fois ci, on a une demande avec un niveau d’étude plus élevé par rapport à la première tranche. Nous avons des bacheliers, des licenciés et des titulaires des diplômes de master qui veulent faire de la boulangerie, de la pâtisserie et de la viennoiserie. On sera obligé de les répartir en modules. On espèrera avoir un espace plus large et plus généreux. Parce qu’il y a de l’espoir. C’est du concret, les gens qui sont déjà formés ont montré leurs valeurs et commencent à produire chez eux. Il y a des jeunes qui travaillent pour leur compte en livrant leurs produits pendant les cérémonies de baptême ou de mariage. Ils peuvent également venir utiliser le matériel que le ministre a mis en place et repartir avec un profit. Le matériel est là pour eux.

Vous avez plus de 200 demandes, comment comptez-vous prendre en charge toutes ces demandes en pâtisserie et boulangerie ?

On a mis en place un groupe de réflexion. On va les convoquer individuellement pour mieux peaufiner la formation. Nous allons voir comment les orienter. On peut être un centre de formation et jouer un rôle d’orientation par rapport à ces nombreuses demandes.

Les jeunes ont besoin aussi d’autres formations pour être opérationnels dans les autres secteurs ?

Pour l’informatique, nous allons nous y lancer dans moins de 15 jours. Le ministre a mis au niveau du centre une salle équipée d’une soixantaine d’ordinateurs et nous avons déjà signe le protocole avec le formateur.

Nous allons demander le niveau baccalauréat et prendre certaines personnes parmi ces demandes pour la formation en informatique. Nous pouvons dans un premier temps former une cinquantaine de jeunes en attendant de voir la suite avec la gestion et la comptabilité.

Le centre Sidy Hott peut-il prendre en compte tout le département de Keur Massar ?

Le centre ne couvre pas tout le département. Parce que l’intercommunalité n’a pas joué pleinement son rôle. Pour le moment et compte tenu de l’aspect politique, nous devons nous contenter à notre fief et c’est Yeumbeul Sud. Dans la sélection des demandes, nous serons plus favorables aux gens qui habitent dans la zone de Yeumbeul Sud. Si chaque maire ou candidat le fait dans son coin, ça sera le maillage complet pour tout Keur Massar. Mais ce projet appartient entièrement à Yeumbeul Sud, lieu de résidence du bailleur.

Avez-vous défini des modalités pour l’accès à la formation ?

On a calqué sur les exigences de la DER. Ici, jusqu’à 40 ans, on est éligible et de préférence habitant à Yeumbeul Sud. Pour le niveau de scolarité, on est entrain de voir sur quelle orientation nous allons prendre. Parce qu’il y a des formations qui ne demandent pas un niveau élevé de scolarisation comme la transformation de céréales.

Avez-vous d’autres projets pour la jeunesse de Yeumbeul Sud ?

Nous avons un projet dénommé « cantine scolaire », c’est-à-dire nourrir les enfants à partir de la récréation. C’est dans la chaîne de production des boulangers. C’est les boulanger qui vont faire lundi et mardi des gâteaux salés, mercredi et jeudi du sucré et le vendredi du consommé local. Si l’intercommunalité marche comme on le souhaite, nous allons travailler pour tout le département de Keur Massar. Notre objectif, c’est de nourrir les élèves à partir de 10 heures. Les enfants ont faim et à partir de 12 heures ils sont déconcentrés et dorment. Nous voulons éviter cette situation en donnant du pain à partir de 10 heures. Nous avons prévu 25 emplois qui vont faire un chiffre d’affaires d’une dizaine de millions. Nous demanderons aux parents d’élèves de participer à hauteur de 2000 FCFA par mois. Nous allons donner à leur enfant un sachet d’eau, un gouté assez consistant pour qu’il puisse résister jusqu’à 14 heures ou 15 heures. C’est une formule humanitaire qui pourra dépasser Yeumbeul Sud. Nous avons saisi l’inspectrice départementale pour la conception du projet et attend de nous des réponses.

En phase test, nous allons prendre 5000 élèves dans cinq établissements de Yeumbeul Sud. Nous avons parlé aux autorités académiques qui ont accepté de nous accompagner. On a l’idée en tête. Les machines de production sont là et les jeunes sont disponibles pour les services. L’actuel maire a aussi son aval à donner. Quand tout sera mis en place et en bonne fonctionnalité, nous allons le convier.

Nous avons eu les encouragements du sous-préfet parce que le projet est d’abord une action humanitaire. Ensuite, il est hygiénique. Et enfin il peut booster le niveau des élèves.

Quels conseils donnerez-vous aux jeunes ?

Nous encourageons les jeunes à venir se former. Il y a trop de polémiques et les gens soutiennent que l’État ne fait rien mais nous, qu’est-ce qu’on a fait pour nous même ? Les jeunes ne se posent jamais cette question. Sur les 24 heures, s’ils sacrifient quatre heures pour une formation, ça sera une bonne affaire même s’ils veulent émigrer.

Dans les pays étrangers, sans formation, on est obligé de vivre comme un SDF. Sans formation, c’est zéro. Au Sénégal, il y a la solidarité, les gens peuvent rester les bras croisés et être logés, vêtus et nourris par leur papa ou grand frère. A l’extérieur, cette solidarité n’existe pas. Ce que nous demandons à ces jeunes, c’est de mettre au moins quatre heures de temps par jours pour leurs formations. Le résultat est là, sans formation, on est rien. L’enseignement généraliste a laissé combien de déchets à l’université ?

Quelqu’un me disait qu’au Sénégal, il y a assez de tête bien faite mais il manque encore de bras solide. Les bras solides, ce n’est rien d’autre que la formation. A Diamniadio, les nouvelles structures manquent de jeunes bien formés. Elles sont obligées de les former avant la phase de production. Elles sont encouragés à prendre des jeunes déjà formés parce qu’elles ne perdent pas du temps. Il faut que les esprits sénégalais changent. Les investisseurs n’ont pas besoin de former des gens. Ils ont besoin des gens déjà formés et prêts à l’emploi. C’est l’argent qui y est investi et ils veulent le plus rapidement possible récupérer leur argent. Le volet formation n’existe pas dans ces investissements.

Les investisseurs veulent produire et pour produire il faut des gens formés. Au lieu de prendre quelqu’un qui doit faire une formation de six mois autant prendre celui qui est prêt à produire pour fructifier leur avoir.

Votre dernier mot ?

L’espoir est permis tant qu’il y a des bailleurs très généreux. Les gens confondent politique et générosité parfois. Monsieur Amadou Hott a mis en place cette affaire et mettra en place d’autres projets en dehors de tout opportunisme politique. Il ne connait même pas les jeunes qui ont déposé les demandes de formations. Il ne recommande personne à l’administration du centre pour bénéficier d’une formation.

Nous recommandons la formation d’abord. Avoir une formation et chômé est plus tranquillisant que de ne pas avoir une formation et chômé. Ayons une aptitude d’être formé après on verra.

Par Oumar Ba

By Oumar

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