- Le Sénégal compte 18 032 473 habitants,
- Les hommes représentent 50,6%,
- 75% de la population a moins de 35 ans,
- Le budget de l’année 2024 est projeté à 7 003,6 milliards FCFA,
- Pr Adjaratou Wakha Aidara : « Cette population est le moteur de la prospérité économique des années à venir »
L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, ANSD, a publié en octobre 2023 le rapport préliminaire du cinquième Recensement Général de la Population et de l’Habitat, RGPH-5 qui fait état de l’augmentation de la population sénégalaise. Des statistiques importantes dans la prise de décisions et pour une meilleure planification des politiques publiques.
L’ANSD a soutenu que les statistiques produites vont permettre aux chercheurs, institutions et les autorités de faire des analyses, estimations et prévisions pour l’élaboration de leurs plans et programmes de développement. Le recensement fournit des informations permettant de suivre les agendas internationaux et nationaux comme l’agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, l’agenda 2063 de l’Union africaine et le Plan Sénégal Emergeant.
La population résidente au Sénégal, recensée en 2023 par l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie est de 18 032 473 habitants avec un taux de couverture national de 96,2%. En 2013, elle était de 13 508 715 habitants. Entre 2013 et 2023, le pays a enregistré un taux d’accroissement moyen annuel intercensitaire de 2,9%. Ce dernier est resté constant entre 2002 et 2023. Entre 1976 et 2023, la population sénégalaise a été multipliée par 3,6.
Source : ANSD, RGPH-5, 2023
Source : ANSD, RGPH-5, 2023
L’augmentation de la population sénégalaise constatée depuis 1976 peut être expliquée par la différence entre les entrées et les sorties des étrangers et l’amélioration de la situation sanitaire, mesurée par l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance. En effet, les entrées dans le pays entre 2016 et 2017 se sont doublées et l’espérance de vie à la naissance est passée de 64,8 en 2013 à 66,5 ans en 2017. Les dépenses publiques en santé par habitant ont presque doublées entre 2013 et 2019. Elles sont passées de 5 417.2 à 10 760,4.
Entrée et sortie des étrangers du territoire national
Source : Direction de la police de l’Air et des frontières (DPAF), mai 2018
Source : ANSD, profil migratoire 2018
Source : ANSD,
Avec la croissance démographique, le Sénégal va faire face à plusieurs défis dont la lutte contre le chômage. Le Directeur des études, de la planification stratégique et du suivi-évaluation à la Délégation générale à l’Entreprenariat rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ) explique que l’augmentation de la population va provoquer, toute chose étant par ailleurs égale, l’augmentation de la demande du travail. « Comme chez la plupart des pays en transition démographique, le marché du travail sénégalais doit faire face au défi de la croissance démographique. Avec un taux annuel de croissance démographique stabilisé à 2,9% et un doublement de sa population tous les 25 ans, la création d’emplois est un énorme défi pour le Sénégal, a expliqué Docteur Codé Lo. L’accroissement de la population sénégalaise, combiné à une urbanisation galopante, augmente les besoins en emplois notamment pour les jeunes qui sont majoritaires. Le boom attendu de la croissance démographique sera associé à une augmentation de la demande des chercheurs d’emploi dans un contexte où le marché du travail traverse depuis longtemps une crise structurelle. »
Cette année, les résultats préliminaires sont marqués par une tendance favorable aux hommes. Un fait rare qui a attiré l’attention de toute la population. Sur l’ensemble de la population, les hommes représentes plus de 50 %.
Source : ANSD, RGPH-5, 2023
Dans le monde, le rapport de masculinité est évalué à 105 garçons pour 100 filles à la naissance. Au Sénégal, il est de 110,8 garçons pour 100 filles pour les moins de 15 ans, selon le rapport préliminaire. « Dans les cinq premières années, la mortalité infanto-juvénile affecte beaucoup plus les garçons que les filles. C’est ce qui a fait qu’au Sénégal pendant longtemps, à la naissance même s’il y avait beaucoup plus de garçons que de filles, durant les cinq première années, la tendance s’inverse au profit des filles qui ont beaucoup plus de résilience donc sont moins affectées par la mortalité infanto-juvénile », a expliqué Ababacar Sedikh Beye, Directeur de l’ANSD sur la Radio Télévision sénégalaise, RTS, lors d’une émission pour analyser les résultats du RGPH-5.
Selon le Coordonnateur comité de veille, d’assurance qualité du RGPH-5 et Directeur des Statistiques démographiques et sociales à l’ANSD, la supériorité numérique des hommes sur les femmes notée cette année n’est pas une surprise car des chercheurs et experts avaient déjà attiré l’attention des autorités sur cette tendance. « Sur les 15 dernières années, au Sénégal, il y a eu une amélioration de la mortalité infanto-juvénile. Les services sanitaires et les conditions de vie se sont améliorés », a ajouté le Directeur Général de l’ANSD.
Globalement, la mortalité infanto juvénile est passée de 121 ‰ en 2005 à 37 ‰ en 2019. La mortalité infanto-juvénile est le nombre de décès d’enfants de moins d’un an rapporté au nombre de naissances vivantes, en général calculé pour une année donnée et exprimé pour 1000 nouveau-nés vivants. Ces données prouvent que le Sénégal a fait des efforts pour améliorer les conditions de vie des populations et limiter le taux de mortalité infantile à travers des projets et programmes exécutés par les services du ministère de la santé et de l’action sociale et ses partenaires techniques et financiers.
Source : Enquête démographique et de santé continue (EDS-Continue 2019)
Les résultats préliminaires ont montré que la population sénégalaise est majoritairement jeune. L’âge médian (l’âge qui partage la population du Sénégal en deux parties égales) est de 19 ans. Il est de 18 ans chez les hommes contre 20 ans chez les femmes. 75% de la population est âgée de moins de 35 ans. Le rapport de dépendance, la population inactive de moins de 15 ans et de 65 ans et plus, a connu une nette baisse ces dernières années. Il est passé de 83% en 2013 à 75% en 2023. Il indique comment la population active prend en charge la population inactive. « Ce qui constitue une fenêtre d’opportunité, si on arrive à mettre les jeunes au travail. Parce que cette baisse traduit une ouverture, une marge pour les épargnes et l’investissement », a expliqué Ababacar Sedikh BEYE.
Source : DGPPE/DPEE, mars 2023
Selon Atoumane Fall, les chercheurs dans les sciences de la population, sciences économiques et les démographes devraient occulter ces résultats qui ont révélé beaucoup de choses.
« La population en âge de travailler va connaitre un dédoublement d’ici 2050. Cette opportunité exceptionnelle offre de belles perspectives économiques à long terme pour le Sénégal en ce sens qu’elle accroitra les retombées positives de la croissance économique et permettra de réduire la pauvreté et les inégalités. En plus d’une croissance de la production, le dividende démographique permet également de stimuler l’épargne pour permettre aux banques de financer l’investissement des entreprises et de l’administration publique », a dit Docteur Lo.
Source : ANSD, RGPH-5, 2023
Selon Monsieur Lo, cette population juvénile peut être une opportunité de croissance économique et de développement en termes de bonus démographique si l’économie sénégalaise parvient à offrir des opportunités d’emploi notamment pour les jeunes qui vont arriver massivement sur le marché du travail.
« La population active augmente le bonus démographique, si on arrive à éduquer et à soigner cette jeunesse. Ça peut être très bénéfique pour tout le pays comme dans les pays asiatiques. Si le Sénégal arrive à tirer profit du bonus démographique, l’émergence sera assurée, a confirmé Atoumane Fall. Les sociétés africaines peuvent tirer profit du bonus démographique. Si aujourd’hui, on arrive à mettre en place des politiques qui permettent d’éduquer cette population entre 15 et 65 ans, de la rendre productive, d’avoir de l’emploi, à faire des formations professionnelles et rester en bonne santé, le Sénégal pourra tirer profit de cet bonus démographique et accéder à l’émergence comme les pays asiatiques. »
La répartition de la population du Sénégal varie d’un lieu à un autre. Les plus fortes concentrations s’observent à l’Ouest, au Centre et au Nord-Ouest du pays. Dakar reste la région la plus dense avec 7 277 habitants au kilomètre carré. Les régions de Diourbel (428), Thiès (375) et Kaolack (252) arrivent en deuxième, troisième et quatrième position. Dans les départements, Mbacké est devenu le département le plus peuplé au Sénégal en 2023 avec 1 359 757 habitants grâce à l’expansion de la ville de Touba. Dakar arrive en deuxième position avec 1 182 416 habitants. Le département de Pikine qui était le plus peuplé en 2013 a perdu son statut à cause de l’érection de Keur Massar en département, 46ème du Sénégal.
« L’érection de Keur Massar en département a provoqué la diminution de la population du département de Pikine qui occupait la première position en 2013. Avec l’augmentation de la population dans la ville de Touba, le département de Mbacké est devenu alors le premier département le plus peuplé du Sénégal. La ville de Touba, département de Mbacké, attire de plus en plus du monde à cause du développement des activités économiques, le coût de la vie et l’accès facile aux terrains pour la construction de logements », a expliqué Atoumane Fall.
Dakar, la capitale Sénégalaise étant toujours la région la plus peuplée au Sénégal abrite les infrastructures socioéconomiques de base de dernière génération. Le Train Express régional (TER), autoroutes, les universités et les infrastructures sanitaires attirent de plus en plus de personnes. C’est pourquoi Docteur Lo attire l’attention des autorités sur les conséquences de cette concentration sur l’utilisation des biens publics. « Sur le plan économique, la région de Dakar abrite la capitale économique avec l’essentiel des services et entreprises multinationales. Dakar concentre à elle seule 80% l’activité économique. Les conséquences économiques d’une telle situation sont potentiellement néfastes : persistance du chômage, dégradation du bien-être économique, etc », a-t-il affirmé.
En 2023, le Sénégal compte 908 628 ménages qui pratiquent une activité agricole, soit 45,6% des ménages du Sénégal. Cette activité est plus fréquente dans les régions de Thiès, Dakar, Louga et Saint-Louis, suivie de Diourbel et Kaolack. L’activité agricole au sens large est moins pratiquée dans les régions de Kédougou, Sédhiou et Ziguinchor.
Pour une meilleure gestion des demandes croissantes des populations, le Sénégal a voté son budget pour l’année 2024. Estimé à 7003,6 milliards FCFA, ce budget matérialise l’intervention de l’Etat à travers la collecte et l’allocation des ressources pour relever les défis liés au secteur de l’éducation, à la santé, aux infrastructures. La loi des finances de 2024 s’inscrit dans la continuité des politiques publiques pour maintenir le pays dans la trajectoire de l’émergence déclinée dans le Plan Sénégal Emergent. De 2023 à 2024, le budget est passé de 6411, 5 à 7003,6 milliards FCFA, soit une augmentation 599 milliards FCFA en valeur absolue et de 9,2% en valeur relative. L’Etat du Sénégal a prévu en 2024 une subvention de 602,77 milliards FCFA pour accroître l’offre des services sanitaires, éducatifs et améliorer le coût du carburant, du gaz butane, de l’électricité et d’autres denrées alimentaires. Ce qui va permettre d’améliorer les conditions de vie des 18 032 473 habitants du Sénégal.
Par Oumar Ba (weerbijournal@gmail.com)
Pr Adjaratou Wakha Aidara : « Cette population est le moteur de la prospérité économique des années à venir »
Enseignante-chercheuse à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye est la Directrice Exécutive de l’Organisation non gouvernementale Partener West Africa-Sénégal. Elle s’intéresse sur des questions liées à l’émigration, à la sécurité inclusive, au leadership des femmes et des jeunes et à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent. Dans un entretien qu’elle a accordé à la rédaction de Werr Bi et de Keur Massar Actu, elle soutient que la population juvénile peut-être le moteur de la prospérité économiques des années à venir.
L’ANSD a publié le rapport préliminaire du RGPH-5. Quelle lecture faites-vous de ces résultats ?
Selon les chiffres, portant sur le dernier recensement général de la population et de l’habitat, publiés par l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) en 2023, la population a considérablement augmenté. Elle est passée à 18 032 473 habitants, dont 8 900 614 de femmes (49,4%) et 9 131 859 d’hommes (50,6%). Cette évolution peu être expliquée par le maintien d’un taux de fécondité encore élevé (4,65 enfants par femme en moyenne sur ces cinq dernières années), une natalité toujours élevée (taux brut de natalité de 37,1 pour mille en 2017 et 36,8 pour mille), une mortalité en constante baisse (7,1 pour mille) et une progression de l’espérance de vie qui est d’environ 68 ans, pour un enfant né en 2020. Enfin, il s’agit d’une population très jeune marquée par une prédominance de l’effectif des hommes par rapport aux femmes. Les autorités de l’Etat du Sénégal doivent donc tenir compte de ce défi démographique, que représente cette population jeune, qui sera le moteur de la prospérité économique des années à venir, mais uniquement s’ils mettent en place des politiques et des programmes efficients pour renforcer les opportunités qui s’offrent à elles.
Est-ce que l’augmentation de la population ne risque pas de favoriser des conflits d’intérêt entre les différents acteurs dans le transport par exemple ?
Il faut reconnaitre que la mobilité urbaine pose un problème majeur aux politiques dans la plupart des villes émergentes. En plus des défis que représente la gestion de la sécurité humaine, la mobilité dont le transport routier occupe une place importante dans l’élaboration des politiques du Sénégal. Le développement des villes, la gestion des espaces publics sont, de nos jours, au cœur des politiques urbaines du pays. Cette préoccupation est surtout liée aux nombreux dysfonctionnements recensés comme : les nouveaux types de transports publics de voyageurs (réguliers et irréguliers), l’insuffisance et l’inadaptation des infrastructures, la qualité des routes et voie de transport, la morphologie particulière de certains axes routiers, les embouteillages dans tous les grandes villes, l’insuffisance d’aires de stationnement, la confusion entre l’espace piéton et celui des automobiles à certains endroits, l’occupation anarchique de la voie publique, la montée de la criminalité urbaine (les vols à l’arrachée, les agressions, etc.), et surtout en période hivernale, les inondations des espaces routiers.
À cette occupation anarchique de la ville qui a forcément une incidence sur la performance du réseau de transport, s’ajoute la crise socio-économique qui a engendré dans les villes, des conditions de vie très difficiles avec le développement du secteur informel, qui a eu un impact important sur la déstructuration des réseaux de transport en commun. Les transports en commun qui circulent partout, sont aujourd’hui bondés de monde. Les surcharges, les agressions verbales, physiques et bagarres sont le lot quotidien des usagers.
Ce sont autant de phénomènes liés à la croissance rapide de la population. Cela pose de nombreux défis aux acteurs du transport, du fait que cette forte croissance de la population de nos villes est couplée à la fois, à la mauvaise qualité des transports publics, à l’insuffisance des infrastructures routières, à l’inadéquation entre l’offre de transport public et la demande, ou encore à la qualité des routes et des types de transport, aussi bien urbains qu’interurbains. Cette augmentation de la population a aussi généré une hausse de la demande de transport urbain engendrée par la croissance spatiale de la ville, qui elle-même, va avoir un impact sur les trajets vers le centre-ville, lieu de concentration de toutes les activités administratives, commerciales et qui sont de plus en plus longs.
Il faut aussi noter qu’à côté du secteur public des transports et celui des opérateurs privés (réguliers ou clandestins), qui également propose une offre alternative de transport, on assiste à l’émergence des conducteurs de motos-taxis, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Se pose alors forcément la question de la gouvernance des transports et des nombreux problèmes qui en découlent comme la gestion des espaces d’échanges pour les voyageurs et les marchandises, mais aussi pour les différentes catégories socioprofessionnelles qui y travaillent.
Pour répondre à cette croissance de la population urbaine, on observe au niveau de l’État, une double tendance : tout d’abord la construction de nouvelles infrastructures de transport urbain ensuite, l’amélioration du réseau existant, avec la création de voies réservées aux transports publics. Cependant ces mesures, pour être efficaces et entrainer une meilleure fluidification des transports publics, elles doivent forcément être accompagnées de dispositions qui ciblent tous les usagers de la route. Pour une meilleure utilisation de l’espace urbain également, de telles dispositions doivent permettre de lutter contre l’insécurité routière, les véhicules en mauvais état, la concurrence déloyale avec les transports régulés, le manque de professionnalisme, la mauvaise gestion du flux de la circulation et la médiocre application du code routier. Par ailleurs, c’est dans le cadre de cette lutte contre l’insécurité routière, qu’en janvier 2023, vingt-deux (22) nouvelles mesures sont entrées en vigueur, pour tenter de réduire les accidents de la route.
Est-ce que les autorités ont les moyens d’accompagner la demande des populations en termes de transport au Sénégal ?
Au Sénégal, les transports sont au cœur des stratégies de développement, avec l’élaboration de politiques sectorielles sous-tendues par des investissements massifs dans les infrastructures et les services. L’étalement urbain et la massification des citadins ont généré d’importants défis. Selon les projections de l’ANSD, d’ici 2035, plus de 60% de la population sénégalaise sera urbaine. Se pose alors à la fois, la question de la hausse des besoins en mobilité des urbains, ainsi que celle de l’allongement des distances et difficultés d’accès à la ville.
L’État fait des efforts importants dans le cadre de l’amélioration des infrastructures routières en rendant possible, la mise en place de solutions alternatives de transport. Il faut aussi dire que l’État considère les transports publics comme un service social important dans les zones urbaines, car ils offrent une option de mobilité à ceux qui n’en auraient pas autrement. Mais il se pose le problème du coût des transports publics qui pour certains, restent élevés par rapport au budget des ménages.
Malgré ces efforts, l’administration n’arrive pas à répondre convenablement aux besoins et aspirations de la population urbaine, particulièrement en ce qui concerne le transport, la sécurité urbaine, l’organisation et la gestion spatiale. Elle semble ne pas tenir compte de la dépendance de la qualité de la vie à l’organisation voire à l’aménagement de la ville. Pour ce faire, elle doit mettre l’accent sur l’aménagement des rues qui doivent donner la priorité aux piétons et aux transports en commun. Elle doit veiller à ce que sur les routes très fréquentées, qu’un espace pour les piétons, incluant des aménagements appropriés, soit réservé pour leur permettre de traverser la route facilement et en toute sécurité. L’Etat devra également penser à aménager des pistes cyclables pour promouvoir la mobilité verte et inciter cette population jeune à allier l’utile à l’agréable : mobilité et santé (le déplacement à vélo pour un changement de comportement en dehors des horaires de travail et d’écoles).
Parmi les autres défis à relever par le secteur des transports, il y a les voies de contournement au niveau de Kaolack pour les gros porteurs, la multiplication et la réalisation d’aires de repos et de stationnement, comme celle du parking gros-porteurs du port sec de Sandiara pour décongestionner Dakar ; l’amélioration des infrastructures et des services ; le désenclavement des zones rurales ; la poursuite et l’élargissement de la lutte contre l’insécurité routière.
Il faut ajouter qu’au-delà du transport routier, le Sénégal, porte océane de l’Afrique de l’Ouest, est également relié à tous les continents et les pays de la sous-région à travers ses ports, ses aéroports. L’exploitation de la façade maritime serait un plus pour la gestion de la fluidité du transport interurbain.
De grands projets sont aussi en cours pour réhabiliter et moderniser le système ferroviaire au Sénégal, parmi lesquels les plus en vue : le chemin de fer, Dakar/Bamako, le Train Express Régional (TER).
Est-ce que les politiques migratoires sont efficaces pour accompagner l’évolution de la population ?
Dans le cadre de sa lutte contre la migration irrégulière ou les déplacements mixtes, l’État du Sénégal a déjà mis en place le Comité Interministériel de Lutte contre l’Émigration Clandestine (CILEC). Cependant, cette structure serait confrontée à des défis dont trois (03) problèmes majeurs, que nous avons identifiés en toute humilité, qui l’empêchent de jouer pleinement son rôle :
- il s’agit d’un comité interministériel, la gestion des migrations est confiée à plusieurs ministères et acteurs du développement, qui mènent des actions individuelles, définies dans leurs mandats respectifs, ce qui peut être à l’origine d’une certaine confusion. À ce fait s’ajoute l’exclusion d’office de ce comité, des OSC et des PTF, alors que le phénomène migratoire est un phénomène multifactoriel qui nécessite la mobilité de tous les acteurs;
- il semblerait qu’elle ne soit pas dotée d’assez de ressources (moyens) pour mener à bien sa mission (à ce jour, le coût total du dispositif mis en place n’a pas été révélé par les autorités) malgré qu’il ait validé sa stratégie nationale et que le phénomène reste récurent ces derniers mois;
- Pour bien jouer son rôle, cette structure doit être érigée en organe national de prévention/lutte contre la migration irrégulière, afin de tenir compte des insuffisances précitées et ainsi lui permettre de pouvoir faire de la prospective.
Parce que, la migration est un phénomène universel que l’on retrouve partout et en tout temps, souvent avec une intensité variable. Elle constitue l’une des problématiques de l’économie mondiale et en conséquence, elle nécessite des réponses globales.
Il faut aussi reconnaitre que le Sénégal, selon l’OIM, est passé de Pays d’accueil, à un pays de transit et de départ. L’une des raisons peut être liée au contrôle renforcé des circulations transsahariennes qui a conduit à un redéploiement des circulations subsahariennes. C’est ainsi que les routes migratoires se sont déplacées du Sahara vers l’Atlantique. Depuis presque quelques années, de plus en plus de personnes empruntent la Route Atlantique Ouest Africaine (WAAR). Cette route migratoire, qui avait été particulièrement active en 2006, est redevenue une route fréquemment empruntée par les migrants. Ainsi en 2019, année de référence de cette activité, 2 687 migrants sont arrivés aux îles Canaries (Espagne). Année après année, le nombre de migrants arrivant irrégulièrement aux îles Canaries ne cesse d’augmenter. Entre janvier et février 2023, 1 865 migrants sont arrivés de manière irrégulière aux îles Canaries. Et ce qui inquiète le plus, le phénomène est en train de se féminiser de plus en plus et de se rajeunir à l’image de la nouvelle cartographie de la population sénégalaise. Des femmes avec leurs bébés, des familles entières empruntent les pirogues et depuis quelques temps la voie du Nicaragua.
Face à ce défi, les mesures d’accompagnement ont été mises en place. Mais face à la recrudescence du phénomène, le gouvernement sénégalais a renforcé sa stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, en mobilisant les services de l’État, les communautés de base ainsi que les partenaires au développement. Le Sénégal peut également s’appuyer, au niveau régional, sur le programme consacré à la politique migratoire pour l’Afrique (MPFA) de l’UA (2018/2030), qui est l’un des cadres continentaux, et qui a été élaboré pour permettre à l’Afrique de mieux gérer les migrations prévues et en tirer profit, à travers la formulation et la mise en œuvre de leurs propres politiques migratoires nationales et régionales.
Mais il semble que les mesures prises ne soient pas adaptés à la cible le plan REVA, et autres programmes qui avaient misé sur l’agriculture, n’ont pas tenu compte du profil des migrants qui étaient issus de populations de pêcheurs.
La problématique de la pêche industrielle et les défis liés à l’exploitation du pétrole et du gaz sont des facteurs à tenir en compte pour une meilleure gestion de cette crise. Cependant, il faudra y associer les femmes et des socio-anthropologues car le phénomène est complexe.
Avec la croissance démographique, est-ce que le pays ne risque pas de connaître davantage des flux migratoires ?
L’accroissement démographique représente aujourd’hui un enjeu majeur pour le développement économique et durable du Sénégal. Malgré une baisse générale du taux de fécondité, l’évolution des mentalités, notamment, l’utilisation de plus en plus de méthodes contraceptives, une meilleure information sur le mariage précoce, l’espacement des naissances et l’autonomisation des femmes, les prévisions annoncent une explosion de la population sénégalaise à l’horizon 2050. Toutefois, l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail pourrait être un couteau à double tranchant car le « dividende démographique » est une opportunité (une main d’œuvre) si de l’anticipation est faite par les politiques notamment en terme d’éducation, de formation et d’apprentissage afin de prévoir et accompagner une politique de l’emploi et d’employabilité efficace afin que cette jeunesse puisse s’insérer dans la vie active dans les années qui suivent.
Ce défi, de la croissance démographique, peut donc être salutaire pour le Sénégal, et contribuer à freiner les flux migratoires, si nous parvenons à tirer profit du dividende démographique, en répondant aux besoins de cette jeune population qui nécessitent des politiques et des investissements appropriés dans l’éducation, l’emploi, la formation professionnelle, la santé et des structures de gouvernance inclusives.
Que doit faire l’État du Sénégal pour une meilleure prise en charge des besoins des populations en termes d’emplois et de formation ?
Le manque d’opportunités d’emploi au Sénégal est la principale raison des intentions d’émigration. La plupart des candidats à l’émigration, en grande majorité des jeunes, cherchent à partir en raison des conditions difficiles qui règnent dans leur pays. Mais il ne faut pas occulter la dimension socioculturelle car le Sénégalais a toujours été un grand voyageur et culturellement l’émigration est perçue comme un succès familial dans certaines contrées. Même si les difficultés économiques et le fait de vouloir trouver du travail sont les deux principaux motifs relatés comme motif d’émigration. Les profils de fonctionnaires et/ou d’acteurs informels avec des revenus conséquents qui choisissent l’émigration au dépend de leur confort, doit nous interpeller. Ainsi, la formulation de politiques globales susceptibles de remédier à tous ces problèmes constitue le principal défi pour notre pays.
Le gouvernement sénégalais a, de son côté, déjà formulé depuis des années, des programmes de retour fondés sur la mise à disposition de moyens destinés à réinsérer les migrants expulsés des pays d’accueil et à lutter contre la migration irrégulière, Citons les plus anciens, comme le Plan REVA (Retour volontaire vers l’agriculture) essentiellement articulé autour de l’aide espagnole en contrepartie de la lutte contre l’émigration clandestine, ou la GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance) qui a proposé des terres et des machines agricoles aux migrants de retour et aux candidats à l’exode désireux d’investir dans l’agriculture mais comme nous l’avons dit tantôt l’offre était inadéquate et mal ciblée.
Les ONG et les partenaires sociaux sont également impliqués dans la lutte contre la migration irrégulière. Leurs actions sont le plus souvent fondées sur un partenariat avec des institutions des pays d’accueil alors les femmes aujourd’hui, on peut citer les politiques publiques du CILEC, qui se déclinent sur cinq axes : la prévention, la gestion des frontières, des mesures de répression (contre les convoyeurs), des mesures d’aide, d’assistance et de protection, le retour et la réinsertion des migrants. Elles s’appuient aussi sur les nombreux programmes déjà initiés par le Plan Sénégal Emergent comme : la Délégation à l’entrepreneuriat rapide (DER) ; le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT) ; l’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) ; le Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) ; et le programme d’urgence Xëyu ndaw ñi, etc. Mais le problème majeur est le manque de coordination et de logique de toutes ces agences, structures dédiées à l’emploi. Il y a trop d’initiatives parcellaires, mal coordonnées alors qu’elles sont complémentaires et aurait eu de l’impact si elles avaient été bien diligentées. L’Etat doit revoir sa politique qui ne répond pas du tout aux aspirations des jeunes.
Quelles mesures faudrait-il prendre pour accompagner cette jeunesse ?
Sur cette question de la migration, il faut signaler que l’attention est beaucoup plus portée sur les conséquences des migrations pour les pays de destination que pour les pays d’origine. À notre humble avis, il faudrait plutôt penser la migration en termes d’intérêts partagés, à travers des cadres de gestion concertée des flux migratoires. La compétition mondiale cherchera toujours à attirer les meilleurs profils, à titre d’exemple, en Amérique du Nord, le niveau actuel de qualification des migrants est beaucoup plus élevé que celui des migrants en direction de l’Europe. Leurs pays proposent facilement des programmes censés faciliter l’arrivée de migrants hautement qualifiés. Ailleurs, notamment dans les pays d’origine des migrants, on parle surtout de l’argent envoyé par les migrants à leur famille et amis restés dans leur pays d’origine. Cependant, cette tendance est renversée depuis quelques temps. Il ne faut pas occulter que l’Etat investit dans l’éducation, la formation, la santé de ces populations qui vont servir d’autres pays. Mais a-t-on mesuré pour l’Afrique, qui en avait grandement besoin, la perte que représente cette saignée d’enseignants, de médecins, d’infirmiers ou d’ingénieurs mais également de main d’œuvre qualifié dans les autres secteurs formelles comme informelles ?
Toujours dans la même dynamique, on constate qu’au Sénégal, l’urbanisation et la crise actuelle que traverse le pays, sont à même de faire davantage ressentir aux familles la charge financière que représentent les enfants. Il y a en conséquence, un renversement très net du sens des transferts intergénérationnels lié aux difficultés d’insertion économique des jeunes, qui restent de plus en plus longtemps à la charge des aînés, particulièrement en ville. Il faut impérativement multiplier et diversifier les politiques publiques, qui doivent être davantage renforcées, notamment la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales. Il faut aussi développer les ressources humaines et ainsi, assurer à tous ces jeunes, un accès universel aux infrastructures et services de base, en multipliant les politiques d’infrastructures rurales en matière de santé, d’éducation, d’équipements et d’infrastructures de base vers le monde rural, pour lui faciliter l’accès aux services sociaux. Enfin, pour mieux aider ces jeunes, il faut leur apporter un appui dans le cadre du développement de l’entreprenariat ou de la promotion de l’emploi ou encore de l’insertion professionnelle et prendre des mesures spécifiques en faveur des femmes et des jeunes, pour mieux et davantage les protéger contre l’exclusion et les violences de toute sorte.
Propos recueillis par Oumar Ba