La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a réduit les inégalités dans l’accès à l’électricité, selon le rapport de la CEDEAO sur les chiffres clés sur l’énergie dans l’espace CEDEAO 2023.
Pour réduire les inégalités et accompagner le développement économique des populations, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a renforcé sa production grâce à des financements pour le développement des infrastructures électriques. Entre 2015 et 2022, le taux d’accès régional des ménages à l’électricité est passé de 47 à 58 %. « L’énergie est le moteur du développement et sa disponibilité en qualité et en quantité dans tous les États membres fait partie des priorités de la Commission de la CEDEAO », a expliqué Sédiko DOUKA Commissaire chargé des Infrastructures, de l’énergie et de la digitalisation, Commission de la CEDEAO dans le rapport.
Evolution du taux d’accès des ménages à l’énergie

Source : chiffres clés sur l’énergie dans l’espace CEDEAO 2023 et visualisation de l’auteur
En 2013, lors de la 43ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, les États membres se sont engagés à travailler pour un accès universel aux services énergétiques propres, abordables et durables pour l’ensemble des populations de la CEDEAO à l’horizon 2030. Cette institution avait fixé un objectif de 100% en 2030 mais les prévisions sont loin car elles sont estimées à 72%.
« La décennie que nous venons d’entamer est cruciale car elle doit nous servir de boussole et nous permettre de faire les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et qui se rapprochent de plus en plus », a ajouté Monsieur Sédiko, dans le même document.
Le Sénégal renforce la place des femmes
Le taux d’accès à l’électricité du Sénégal dans la zone CEDEAO est de 76%. Ce taux est supérieur à la moyenne (56%). Le Sénégal est derrière le Ghana (84%), la Côte d’Ivoire (85%) et le Cap Vert (91%).
Pour réduire les inégalités de genre au niveau national dans la chaîne de valeur énergétique, le Sénégal a initié des programmes avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers. Ainsi dans le cadre du programme « Jigeen Mooy Leer » mis en œuvre par le Millennium Challenge Account Sénégal II et le Ministère du Pétrole et des Energies, 50 jeunes femmes avaient été recrutées pour un stage de six mois, à compter du mois d’avril, dans les institutions évoluant dans le domaine des énergies.
Le Millennium Challenge Account Sénégal II intègre dans ses projets et ses activités les besoins des femmes, des jeunes et des groupes vulnérables conformément à politique genre du Millennium Challenge Corporation. C’est pourquoi il soutient le Ministère du Pétrole et des Energies du Sénégal dans la mise en œuvre de son Plan d’Action National Genre-Energie (Plange) qui se traduit par la conjugaison de leurs efforts pour rendre opérationnel le programme de stage « Jigeen Mooy Leer ». « Nous avons constaté que les emplois du secteur de l’énergie au Sénégal sont inégalement repartis entre les hommes et les femmes. Ces dernières ont encore de la place à gagner dans le secteur de l’énergie pour réduire au moins ces inégalités. Elles représentent aujourd’hui moins de 25% dans le secteur de l’énergie, de manière générale. Donc il était important de prendre des initiatives pour renforcer la présence des femmes dans ce secteur », a expliqué Madame Beye Daba Ndione, Directrice genre et inclusion sociale au niveau du MCA Sénégal II.
L’objectif du Plange est de contribuer à termes à une plus grande sensibilité des politiques énergétiques au genre en levant les barrières structurelles à l’accès des femmes aux opportunités d’emplois dans les chaînes énergétiques. C’est ce qui a justifié le lancement officiel du programme, le 22 octobre 2022 à Dakar avec l’ouverture de dépôt des dossiers de candidature pour insérer 50 jeunes filles dans le secteur de l’énergie.
L’ambassadeur de l’Union européenne au Sénégal a appelé les institutions et leurs partenaires à continuer la lutte et à s’engager davantage afin de promouvoir le rôle et le potentiel des femmes pour que l’égalité entre les hommes et les femmes deviennent une réalité. « L’Union européenne partage avec [le Ministère du Pétrole et des Energies] les mêmes convictions, assure que les femmes et les filles aient accès à l’énergie. C’est non seulement une question de droit humain mais aussi une question de développement économique. L’autonomisation des femmes est l’un des principaux moteurs de développement durable et inclusif. Tout ce qui freine et entrave leur autonomisation constitue également un frein au développement. L’accès à l’énergie propre permet aux filles d’avoir de meilleures chances de terminer leur cycle d’étude, de développer des activités génératrices de revenu et de contribuer à améliorer leur cadre de vie », a soutenu Jean Marc Pisani.
Le programme « Jigeen Mooy Leer » avait enregistré plus de 2 000 candidatures. Ce qui montre que les jeunes femmes sont en train de changer la vision de la société sénégalaise en devenant des actrices incontournables dans le domaine de l’énergie. « Nous devons tous et toutes cesser de penser que le rôle des femmes ne peut s’exercer dans tous les domaines ; arrêter de penser que la place de la femme est à la maison ; que les femmes n’ont qu’à s’occuper des choses de femmes ; que le sport, le numérique l’énergie, la politique ne sont pas des domaines appropriés pour les femmes », a ajouté le représentant de l’UE au Sénégal.
Une parité homme-femme 50-50 en 2030
Dans le document de politique d’intégration du genre à l’accès à l’énergie, l’objectif est d’atteindre un taux de représentativité des femmes de 50 % en 2030 dans les postes de décision. Selon le rapport genre du forum économique mondial (2022), seules 20% de femmes occupaient des postes de responsabilité dans le secteur de l’énergie mondiale. Pour multiplier par deux ce taux, le ministère du Pétrole et des Energies du Sénégal compte sur l’apport des acteurs de la défense des droits des femmes et de tous les partenaires techniques et financiers.
Lors de la cérémonie de lancement de la 2ème cohorte du programme « Jigeen Mooy Leer », le 16 octobre 2024 à Dakar, le Directeur Général de Millennium Challenge Account-Sénégal II s’est félicité des résultats satisfaisants. « Nous avons eu des résultats extrêmement satisfaisants avec la 1ère cohorte. Nous entamons la deuxième cohorte et cette cohorte devrait être un succès retentissant parce que c’est ça que nous devons vendre aux décideurs (…) et que tout le monde comprenne que c’est un modèle qui fonctionne », a expliqué Oumar Diop.
Etudiante en troisième année en électronique et télécommunication à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Maimouna Mbaye, âgée d’une vingtaine d’année, fait partie de la première cohorte de 50 jeunes filles sélectionnées dans le cadre du programme de stage. Grandi dans un environnement propice à la pratique informelle du métier des techniques énergétiques, elle a très vite admiré l’électronique et tracé va voie professionnelle. Aujourd’hui ce recrutement lui permet de réaliser son rêve.
« Depuis mon enfance, j’aimais tout ce qui en rapport avec les énergies. Un jour ma sœur m’a envoyé l’appel à candidature pour le programme « Jigeen Mooy Leer » et j’ai sauté sur l’occasion en remplissant mon dossier pour bénéficier de cette opportunité. Je suis heureuse de recevoir ma bourse de stage qui me permettra de faire carrière dans un domaine que j’ai toujours aimé », a-t-elle expliqué.
« MCC reconnaît l’importance d’encourager la participation économique des femmes dans ce secteur énergétique en pleine croissance, afin de construire un secteur plus fort et plus inclusif. Les femmes jouent un rôle vital dans le secteur de l’énergie en tant que productrices et gestionnaires d’énergie dans leur ménage, en tant qu’utilisatrices d’énergie à des fins entrepreneuriales, et un rôle croissant en tant qu’employées et leaders dans le secteur, a expliqué la Directrice de la Mission Résidente de la Millennium Challenge Corporation (MCC), Molly Glenn.
Titulaire d’un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) en géni électrique et informatique industrielle à l’Institut Universitaire des Technologies de Thiès, la future stagiaire salue l’initiative du Ministère du Pétrole et des Energies en collaboration avec le MCA-Sénégal II. « C’est une opportunité que nous, les femmes, devons saisir parce que ce n’est pas évident de trouver un stage dans ce domaine. C’est une très belle initiative », a-t- ajouté.
L’ancienne étudiante de l’Université de Thiès veut à travers son premier stage dans le secteur des énergies, fortement dominé par les hommes, mettre fin aux stéréotypes de genre pour changer la mentalité de la société sénégalaise qui peine à encourager les femmes à exceller dans beaucoup de domaines et surtout scientifiques et techniques. « Ce programme va encourager les femmes à investir ces secteurs, avoir confiance en soi et savoir qu’il est possible de faire tout ce que les hommes font », a-t-elle soutenu.
L’objectif du ministère est de sélectionner une centaines de jeunes de filles pour la deuxième cohorte. « Nous avons eu des retours très satisfaisants qui nous encouragent à continuer ce programme et à l’élargir au secteur des mines et aux autres ministères », a soutenu le Cheikh Niane Secrétaire général du ministère de l’énergie qui avait procédé au lancement de la première cohorte.
Par Oumar BA (barouba90@gmail.com)