La capitale Sénégalaise vit depuis des décennies des effets néfastes du changement climatique qui s’est traduit par des inondations dans toute la banlieue dakaroise et a provoqué des dégâts matériels et humains.
Le 17 septembre 2020, le Président de la République du Sénégal a effectué une visite dans les zones inondées de l’ancienne commune de Pikine. Vu l’ampleur des dégâts causés par les fortes pluies de la saison des pluies de cette même année, Macky Sall a annoncé l’institution de cette commune en département pour une meilleure gestion des besoins des citoyens.
Moins d’une année plus tard, le 28 mai 2021, le décret N°2021-687 du 28 mai 2021 a été signé par le chef de l’État. Keur Massar devient ainsi le 46ème département du Sénégal. Il polarise les communes de Yeumbeul Nord et Yeumbeul Sud (arrondissement de Yeumbeul), de Malika et Keur Massar Nord (arrondissement de Malika) et de Keur Massar Sud et Jaxaay-parcelles (arrondissement de Jaxaay).
Plus d’une année après cette institution, le département de Keur Massar vit toujours les mêmes difficultés liées aux inondations. En effet, depuis le début de l’hivernage de cette année, deux jeunes âgés d’une trentaine d’années et un enfant ont perdu la vie à cause des inondations. Des centaines de familles ont quitté leurs maisons et cédé leurs appartements aux eaux pluies, qui sont devenues les rois du spectacle devant l’impuissance des autorités administratives et des élues locaux.
A chaque fin de pluie, une dizaine de familles, pour la plupart pauvres, sont obligées de quitte leurs maisons pour chercher refuse ailleurs et laissent tout derrière elles. Certaines ne reviendront plus et cèdent leurs titres fonciers ou baux aux investisseurs qui ont les moyens de reconstruire tout en si peu de temps. D’autres deviennent de réfugiés de l’eau à vie.
Il est 16 heures et quelques minutes, un mardi 23 septembre, quatre jours après les premières fortes pluies enregistrées dans la capitale sénégalaise, un jeune de teint clair est en train de manipulé des outils électriques pour alimenter une pompe électrique afin d’évacuer les eaux stagnantes au niveau des routes et des maisons. Âgé d’une trentaine d’années, le jeune a passé plusieurs nuits vierges entre sa maison et celles de ces voisins pour soit pomper l’eau, soit évacuer des familles impactées et tantôt donner des conseils et encouragements à ses camarades.
En tee-shirt bleu, ce jeune employé par une direction de la place a décidé de suspendre ses activités pour être au service de ses frère et sœurs. Quelques minutes après les salutations, Monsieur Baldé nous oriente et nous introduit dans la maison de son voisin.
A l’intérieur de cette maison, les locataires ont déserté leurs chambres et sont partis pour trouver refuse au niveau d’un bâtiment de troisième étage en construction. Ils ont amené tout ce qu’ils pouvaient emporter et ont laissé à l’intérieur les matelas et fauteuils mouillés et étalés sur les eaux de la fosse septique et des pluies.
A l’intérieur de cette maison, on voit des cahiers et livres des élèves déchirés et humides qui sont étalés sur les carreaux.
Dans l’une des chambres de l’appartement, désolé par la situation de ses voisins, Mamadou Samba soulève un matelas de deux places et presse pour montrer l’eau qui en sort. « Actuellement ils passent la nuit dans la maison qui est à côté. La maison est remplie et les toilettes aussi. Ils vivent une situation très difficile et s’ils laissent les bagages ici, les personnes malintentionnées emporteront tout », a-t-il dit.
Selon le jeune volontaire, les victimes de ces inondations n’ont pas de moyens nécessaires pour changer leurs équipements et si le cas se présente les conditions climatiques ne permettront pas d’installer de nouveaux matériels car à tout moment les inondations peuvent à nouveau provoquer des dégâts.
Les populations impactées ont déjà dénoncé le système de pompage qui ne peut éviter des inondations à cause de leur capacité à évacuer les eaux.
Cette deuxième pluie a produit plusieurs dégâts matériels dans les six communes du département de Keur Massar et accentué davantage la souffrance des populations et pourtant ce département a la possibilité de capter ces eaux de pluies et les utiliser dans la création d’emplois verts et réduire par ricochet la pauvreté chez les jeunes et les filles.
Selon un fils du département, l’État devrait mettre en place un système de collecte des eaux pluviales et lutter contre l’épuisement de certains bassins pour promouvoir l’agriculture périurbaine et la production du consommé local.
Dans le cadre de l’atelier de Dakar 2022 sur les enjeux de l’eau en Afrique, la Coordinatrice nationale de PAGE a souligné l’importance de la transformation des menaces liées aux inondations en opportunités pour les populations dans la lutte contre la pauvreté et la dépendance alimentaire.
« Les inondations pourraient être transformées en opportunités de plusieurs manières. D’abord, en mettant en place des ouvrages de récupération et de stockage des eaux pluviales, l’État va non seulement régler le problème des inondations, mais aussi créer des emplois durables. En effet, les travaux d’aménagement et de construction des infrastructures sont l’occasion d’enrôler les jeunes de ces localités, mais surtout dans une optique de durabilité, l’entretien et la maintenance de ces ouvrages peuvent aussi être confiés à une partie de ces jeunes, pour qu’ils soient formés en la matière. D’autre part, ces eaux pluviales stockées peuvent être utilisées pour impulser le développement de l’agriculture périurbaine et créer des emplois décents au niveau de la banlieue, a expliqué Seynabou Diouf. D’autres activités génératrices de revenus (la pisciculture par exemple) pourraient aussi être développées autour de ces bassins de rétention. »
La mise à profit de ces eaux de pluies qui provoque des refugiés de l’eau peut également contribuer à la lutte contre les phénomènes migratoires en Afrique.
« Toutes ces opportunités, si elles sont bien exploitées, pourraient même contribuer à réduire les phénomènes de migrations irrégulières », a-t-elle ajouté.
Le nouveau département de Keur Massar, le plus impacté de la région de Dakar, pourrait servir aux autorités d’une initiative pilote dans la mise en place de projets et programmes destinés à la promotion de l’économie verte et la lutte contre les inondations par la mise en place d’un système de récupération et de stockage des eaux de pluies.
Avec la tendance actuelle, si rien n’est fait à Dakar, la capitale du Sénégal risque de céder aux inondations et disparaître de la carte. Ce qui est sera un danger et un échec pour les institutions et les organisations qui se sont engagée pour la lutte contre les changements climatiques.
Par Oumar Ba, journaliste chez www.keurmassaractu.com