Décharge de Mbeubeuss : Entre exploitation des enfants, réceptacle de fœtus et menace pour les récupérateurs

Par Oumar Ba, weerbijournal@gmail.com

La décharge de Mbeubeuss érigée sur une superficie de plus de 115 hectares entre les communes de Malika et de Keur Massar Nord dans le département de Keur Massar, dans la banlieue dakaroise, accueille depuis les années 1970 des ordures de la région de Dakar. Ces dernières années, plus de 2000 récupérateurs y trouvent leurs comptes et participent de manière efficace à la création de la valeur ajoutée.

Conscientes des effets du changement climatique, les autorités sénégalaises ont pris plusieurs initiatives pour mettre fin à certaines pratiques qui ont provoqué plusieurs dégâts matériels et humains au Sénégal. Ces dernières, malgré leur impact sur l’environnement, risquent de priver plusieurs personnes de leurs emplois. Le projet de Promotion de la Gestion intégrée et de l’Économie des Déchets solides qui veut améliorer les conditions de vie des acteurs et lutter contre l’accès des enfants de la décharge de Mbeubeuss a prévu de mettre en place une clôture des 115 hectares, la construction de garderie d’enfants et des voies d’accès aux futures infrastructures sportives et touristiques. Ce qui est une avancée dans la gestion de cette décharge mais le centre de tri et le projet de compostage vont à l’encontre des intérêts des milliers de récupérateurs.

Prévu sur une superficie de 30 hectares au niveau de la décharge de Mbeubeuss, le Promoged emploiera plus de 300 travailleurs directs issus des récupérateurs qui sont estimés à près de 2000 personnes. Ces employés seront affectés dans les centres de tri et de compostage.

A l’intérieur de la région de Dakar, le Promoged, l’UCG et leurs partenaires ont déjà mis en place des points de collecte normalisés pour lutter contre le déversement d’ordures partout et réduire l’accès des ordures ménagères aux animaux en divagation. Une belle initiative mais qui a un impact négatif sur les récupérateurs et recycleurs de Dakar.

Engagés pour gérer ces points de collecte, plusieurs agents de l’Unité de Coordination de la Gestion des Ordures et du Promoged font aujourd’hui la récupération et le tri au niveau de ces points et dans les bennes à ordures privant ainsi les récupérateurs qui prennent d’assaut tôt le matin la plateforme de terrassement des déchets, des produits (plastiques, ferrailles et autres) et par ricochet réduisant leurs revenus.

Les 2000 récupérateurs qui travaillent de manière informelle et archaïque méritent beaucoup plus de considération pour pouvoir continuer à travailler et à contribuer au développement économique et social du pays. Générant plus de 20 000 000 de FCFA par jour, les récupérateurs réunis autour d’une association  Bokk Diome, pour leur défense préparent une grande offensive avec la constitution d’une coopérative pour mobiliser plus de ressources financières et avoir accès aux produits récupérés par certains agents une fois le Promoged devenu opérationnel.

Composé pour la plupart des habitants des communes de Malika, Yeumbeul Nord et Sud, de Keur Massar Nord et Sud et de Jaxaay-Parcelles, ces digne fils du département de Keur Massar n’ont aucun soutien de la part des cadres et anciens ministres (Amadou Hott et Aminata Assome Diatta) et maires des communes pour préserver leurs opportunités et ou avoir un appui pour se reconvertir en vue de répondre aux chocs externes.

L’Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides et le projet de Promotion de la Gestion intégrée et de l’Economie des Déchets solides ainsi que leurs partenaires ont engagé une entreprise qui va produire beaucoup de déchets (exclusion de plus de 1700 récupérateurs et recycleurs de Mbeubeuss) dans le département de Leur Massar. Bonjour le chômage !

Mbeubeuss : Une industrie de l’exploitation des enfants de six à dix ans

La décharge de Mbeubeuss est aujourd’hui une grande industrie de l’exploitation des enfants âgés de moins de dix ans. Des enfants issues des familles démunies et étrangères pour la plupart des cas et des écoles coraniques de la banlieue Dakaroise prennent d’assaut tous les matins la décharge de Mbeubeuss à la quête d’argent pour financer leurs parents et leurs maîtres coraniques.

Reportage

Le département de Keur Massar abrite depuis 1968, la plus grande décharge de la sous-région. Elle occupe aujourd’hui un espace estimé à plus de 115 hectares et est à cheval entre les communes de Malika et de Keur Massar Nord. Plus de 2000 récupérateurs travaillent de manière archaïque et dans des conditions très difficiles dans cette décharge chaque jour.

Il est 17 heures et 23 minutes, le ciel de la commune de Malika du samedi 17 septembre est envahi par des nuages et provoquant une faible visibilité. Ce qui oblige certaines personnes à se précipiter pour sortir de la décharge puisque la probabilité de pleuvoir devient de plus en plus forte.

A l’entrée de la décharge, des enfants courent derrière les véhicules à ordures ménagères pour rallier la grande plateforme de la décharge située à près de deux kilomètres de la route des Niayes. Parmi ces enfants qui ont réussi à rattraper les camions, plusieurs d’entre eux sont à pieds nus. Ceux qui n’ont pas eu la chance de prendre les bennes à ordures sont obligés d’emprunter les charrettes qui transportent des bidons contenant de l’eau et de marchandises.

A l’intérieur de la décharge, on voit un groupecomposé pour la plupart des enfants de moins de 10 ans. Certains tiennent des sacs contenants des objets récupérés au long des voies aménagées par l’Unité de Coordination de la Gestion des déchets pour faciliter ma mobilité des engins,  des personnes et leurs biens.

Devant un camion stationné, un groupe d’enfants traversent et regardent tantôt à gauche, tantôt à droite pour identifier des objets tombés. Parmi eux, un petit garçon âgé de six ans et habitant à Malika. Élève coranique et originaire de la Casamance (Saré Hammé), A. Bfréquente la décharge de Mbeubeuss depuis plus d’une année. Son travail consiste à venir chaque matin, du samedi au jeudi à partir de 11 heures, pour chercher des plastiques, la ferraille et autres objets destinés à la vente et repartir avec un montant qui lui permet d’assurer son versement quotidien au marabout et une petite provision pour d’autres besoins.

Ce petit garçon a déjà trouvé un client à qui à qui il vend le kilogramme de la ferraille à 100 FCFA.

« Je suis élève coranique. Je viens pour chercher de l’aluminium à revendre. A la fin de la journée, je gagne 1000 FCFA et parfois plus. Je prend une partie de mes ressources pour le versement quotidien pour mon maître et le reste pour moi », a-t-il expliqué avec hésitation.

Les enfants qui travaillent dans la décharge de Mbeubeuss ne respectent aucune mesure d’hygiène et de protection. Ceux qui passent la journée dans cette décharge sont obligés d’attendre que les récupérateurs et autres acteurs finissent de manger leur repas pour profiter des résidus. Sans fourchettes, ni cuillères disponibles, ils mangent sans pour autant prendre le soin de laver leurs mains.

Un autre enfant vient juste d’arriver. Il rejoint sa maman qui travaille dans la décharge de Mbeubeuss comme récupératrice depuis plus de 10 ans. Un petit sac à la main, ce petit a abandonné l’école coranique pour soutenir ses parents. Abandonné par ses ascendants, il ne fait rien autre que venir tous les jours à Mbeubeuss pour récupérer des objets à revendre aux grossistes le kilogramme à 100 FCFA pour participer au financement des dépenses quotidiennes de la famille. Ce fils d’un maçon gagne jusqu’à 10.000 FCFA avec son travail.

A quelques mètres de lui, Demba originaire lui aussi de la Casamance ne sait même pas parler. De petite taille, le talibé vient chaque matin à 11 heures, heure de descente, et y reste jusqu’à 14 heures pour rentrer le déjeuner et revient à 17 heures pour la recherche de d’aluminium ou de plastiques jusqu’à 19 heures.

« Je travaille ici comme récupérateur et aide pour le tri. Je peux gagner jusqu’à 5.000 FCFA. Mon revenu sert au versement quotidien à notre marabout pour une partie », a confirmé Demba.

Aujourd’hui, dans le département de Keur Massar, les maîtres coraniques, les familles démunies et les opérateurs économiques de la décharge de Mbeubeuss constituent un danger pour la croissance et la sécurité des enfants. Au lieu d’être des acteurs incontournables dans la lutte pour la protection des droits de l’enfant, ces derniers profitent de la situation économique difficile, née de la pandémie du Coronavirus et de la guerre en Ukraine pour s’en sortir.

Détenteur d’une grande place à la décharge de Mbeubeuss pour le stockage de ses affaires. Avec les difficultés pour assurer le paiement des jeunes qu’il engage pour effectuer une partie des tâches, un récupérateur, sous couvert de l’anonymat, fait recours aux enfants pour certains travaux.

Pour calmer les enfants qui faisaient trop de bruits en réclamant leurs argents, le récupérateur a partagé 500 FCFA à quatre talibés devant sa place. Aussitôt reçu, les enfants ont disparu dans la décharge.

« Je recrute ces enfants pour me soutenir dans le tri et je les paye, a-t-il dit sans donner une idée sur le prix du travail effectué par les élèves coraniques. Ils ramassent également au niveau de la plateforme de terrassement des ordures de la ferraille, de matières plastiques, de l’aluminium et me les vendent. »

Selon lui, personne ne peut lutter contre le travail des enfants puisqu’ils ont besoin d’argents pour les versements quotidiens et leurs subsistances.

Âgé d’une cinquantaine d’années, Hamidou Diopbrule des fils électriques pour extraite les fils métalliques afin de les revendre. Ce père de famille qui a commencé à investir la décharge à l’âge de 15 ans regrette l’exploitation des enfants.

« Ici les enfants font l’objet de la violence physique, de la violence sexuelleet ne sont pas à l’abri de la vente de produits illicites et des échanges commerciaux illégaux de produits prohibés. Ils ont mois de 10 ans et ne peuvent même pas parler. Il arrive qu’ils soient percutés et tués par des camions ou des bulldozers lors de leurs manœuvres », a-t-il constaté.

La vice-présidente de l’Association Bokk Diome, Adja Diop dénonce l’exploitation des enfants dans la décharge de Mbeubeuss et demande à l’État de prendre ses responsabilités pour retirer les enfants de la décharge de Mbeubeuss.

Pour réussir ce projet, seule la clôture de la décharge de Mbeubeuss et la mise en place des postes de sécurité au niveau des entrées pour refuser l’accès aux enfants pourront limiter l’exploitation des enfants dans le 46ème département du Sénégal par la décharge de Mbeubeuss.

Près de 20 fœtus ramassés à la décharge de Mbeubeuss

La décharge de Mbeubeuss reçoit chaque jour plus de 3500 tonnes de déchets provenant de la région de Dakar. Elle accueille également des fœtus et des mort-nés.

Conçue pour accueillir des ordures ménagères et assimilées, la décharge de Mbeubeuss fait office parfois de cimetière des fœtus à ciel ouvert malgré le travail de veille et de contrôle des autorités sécuritaires du pays. Depuis 1968, plusieurs camions ont amené des centaines de bébés, fœtus et mort-nés à la décharge.

Âgé d’une cinquantaine d’année, Hamidou Diop a rejoint la décharge de Mbeubeuss en 1985. Il a assisté à plusieurs reprises au ramassage de fœtus. Il a même eu à mettre en terre un fœtus qu’il a ramassé lorsqu’il cherchait de la ferraille et de plastiques. « Un jour, j’ai récupéré un fœtus dans un état critique qui était dans un camion français. Je l’ai enterré derrière mon parc. Les récupérateurs déclarent souvent ces cas dans la décharge de Mbeubeuss », a-t-il témoigné avec regret.

Monsieur Diop a soutenu que les auteurs de ces forfaits ne sont pas de la décharge mais des femmes qui habitent dans les communes loin de la décharge de Mbeubeuss.

ICP au Daara Malika (Keur Massar), Mamadou Lamine Camara a travaillé pendant 13 ans avec les récupérateurs de la décharge de Mbeubeuss. Avant de quitté la structure sanitaire dédiée aux soins des travailleurs de la décharge, il a enregistré près de 20 fœtus.

« J’ai ramassé 18 fœtus, des bébés qui sont emballés dans des sachets avec l’appui de la police et des sapeurs-pompiers », a-t-il confirmé.

Selon Monsieur Camara, Il est difficile de rester un mois sans enregistrer de décès liés aux accidents causés par des bennes à ordures, bulldozers, altercations ou agressions.

Plus de 2000 récupérateurs travaillent dans cette décharge quotidiennemtet génèrent plus de 20 000 000 de FCFA par jour.

UCG et Promoged : une menace pour la résilience économique des récupérateurs de Mbeubeuss

La décharge de Mbeubeuss située dans le département de Keur Massar, commune de Malika, est depuis plus de cinq décennies un principal pourvoyeur d’emplois informels et de la valeur ajoutée. Ces dernières années, avec le renforcement des pouvoirs des structures étatiques, l’Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides et le projet de Promotion de la Gestion intégrée et de l’Économie des Déchets solides, des milliers d’acteurs du recyclage et de la récupération sont désormais dans une situation incertaine.

Reportage

Acteurs incontournables dans la vie économique et la lutte contre le changement climatique, les recycleurs et récupérateurs qui travaillent dans la décharge de Mbeubeuss font aujourd’hui l’objet de concurrence déloyale. Ils subissent aujourd’hui toutes formes de pression de la part de l’UCG et du Promoged.

Regroupés autour d’une association de plus de 2000 membres, les récupérateurs et recycleurs du Sénégal et de la sous-région qui opèrent dans la commune de Malika sont en train de perdre petit à petit leurs revenus à cause de l’UCG et d’autres entreprises détenues par de richissimes personnes.

L’UCG qui gère la collecte, le transport et le terrassement des ordures de la capitale sénégalaise est sur place depuis l’an 2015. Elle emploie près de 100 personnes dans la décharge estimée à près de 115 hectares. Ses employés, au lieu d’assurer la collecte des ordures ont commencé à les trier avant même d’arriver à la décharge pour récupérer les objets, les plus précieux abandonnés par les ménages. Les plastiques, la ferraille et autres objets susceptibles de faire l’objet de transactions financières qui devaient arriver directement à la plateforme principale de la décharge pour ensuite permettre aux récupérateurs de faire le tri afin de revendre ces objets aux semi-grossistes ou grossistes ne se retrouvent qu’avec des objets qui ont échappé à la vigilance des agents de collecte.

Mère de deux enfants, Adja Diop a fait plus de 25 ans dans cette décharge. Elle a commencé par la récupération d’emballages de bouillons, ensuite par la vente de sachets d’eau aux acteurs de la décharge. Actuellement, elle gère une petite place de près de 100 mètres carrés dans la décharge de Mbeubeuss destinée à abriter tous les objets qu’elle arrive à collecter.

La première vice-présidente de l’Association Bokk Diome, assise sur un canapé entre des tas d’ors durs, regrette le système adopté, ces dernières années, par les agents de l’UCG et leurs complices.

“Avec l’exploitation de la décharge par l’UCG, les personnes de mauvaise foi qui travaillent avec nous ont commencé à voler nos affaires à notre absence et leurs bulldozers roulent sur tous les objectifs que nous avons eu à rassembler, a-t-elle soutenu avec émotion. Les éléments de l’UCG et du Promoged nous privent une grande partie de notre revenu et pourtant ils ont des contrats avec ces structures et sont payés à la fin de chaque mois. Ils s’adonnent à la récupération de produits avant même de venir à Mbeubeuss”.

L’Unité de Coordination de la Gestion des déchets a mis en place dans plusieurs communes de la région de Dakar en collaboration  avec ses partenaires des points de regroupement normalisés (PRN) pour lutter contre l’insalubrité, la prolifération de points fictifs et la dispersion d’ordures par des animaux en divagation.

“Les points de l’UCG à l’intérieur de Dakar ont aggravé la situation économique des récupérateurs qui travaillent ici et qui n’ont pas les moyens d’aller à  la source. Ses agents font la trie et récupèrent tout ce qui est bon“, a ajouté la Présidente de la section féminine de l’association.

Cette situation a provoqué un manque à gagner et la baisse du pouvoir d’achat des récupérateurs qui feront face dans quelques jours aux dépenses liées à la rentrée scolaire de l’année 2022-2023.

La femme, la plus connue de la décharge, ne sait même pas comment faire pour trouver des moyens financiers pour l’acquisition de fournitures scolaires. Ses deux enfants risquent d’accuser un grand retard puisque leur maman a choisi de les retenir jusqu’à la fin du mois de novembre pour les amener à l’école.

L’association Bokk Diome compte près de 700 femmes dont plus de 650 adhérentes. Elle travaille avec des institutions internationales, des Organisations non gouvernementales et des associations locales pour l’exécution de plusieurs projets et programmes. Elle est mise en place pour défendre les intérêts des récupérateurs. Leurs partenaires les accompagnent dans la formation sur la transformation des produits alimentaires, en couture et coiffure pour que les membres soient préparés en cas d’exclusion ou de chocs exogènes.

Impactée par la pandémie du Coronavirus, l’Association Bokk Diome n’a reçu aucun soutien lors des périodes de confinement de la part des autorités municipales de Malika et de Keur Massar.

Au moment où on parle de la réhabilitation de la décharge de Mbeubeuss qui représente un réel danger pour le secteur informel de l’emploi, les récupérateurs du département n’ont jamais eu de visites ou de rencontres jusqu’à présent avec des Ministres et hauts cadres du département (Amadou Hott et Aminata Assome Diatta), des maires (Adama Sarr et Talla Gadiaga) pour une proposition de projets et politiques allant dans le sens de les soutenir et de les accompagner pour résister et profiter des initiatives de l’Etat et de ses partenaires. Ce qui est une erreur titanesque pour ces politiciens qui aspirent à diriger la cité, pour les uns, et régner à la tête de leurs communes, pour les autres.

Lancé en juin 2021 pour réhabiliter progressivement la décharge de Mbeubeuss, le projet de Promotion de la Gestion intégrée et de l’Economie des Déchets solides est devenu la plus grande menace de la résilience économique des récupérateurs de cette décharge à ciel ouvert.

Avec sa nouvelle approche qui prévoit une réhabilitation progressive de la décharge de Mbeubeuss liée à la mise en place d’infrastructures de tri et de compostage, le Promoged a prévu d’exploiter 30 hectares sur les 115 disponibles. Il a, par ailleurs, envisagé qu’un recrutement à hauteur de 300 récupérateurs âgés de 18 à 40 ans.

Avec des objectifs précis (clôture de la décharge, retrait des enfants, des malades mentaux et des personnes de troisième âge de la décharge), le Promoged risque de priver plus de 1700 récupérateurs de leurs subsistances et provoquer davantage la vulnérabilité de toutes ces personnes.

Pour le Promoged, nous avons beaucoup de difficultés. Parce que nous n’avons aucune information sur notre avenir et sur ses impacts sur nos conditions de travail. Il est venu pour nous priver de ce que nous pouvions avoir dans cette décharge depuis des années, s’est inquiétée A Diop. Avec leur centre de tri qu’ils ont prévu, notre avenir est enjeu et nous ne pourrons plus avoir accès à la plateforme pour récupérer des objets. Ils vont juste choisir une partie des récupérateurs et laisser à coté les autres”.

Le Président de l’Association Bokk Diome a dénoncé la démarche des autorités qui ont accordé une faible proportion dans l’élaboration et la gestion du projet. Il a demandé à l’Etat du Sénégal de revoir la feuille de route du Promoged et de réhabiliter ces acteurs qui ont joué un “rôle important dans la lutte contre le changement climatique”.

“ Il y a un réel danger. C’est une minorité qui utilise les ordures pour leurs propres comptes et nous laissent les déchets sans valeurs, a expliqué Arona Niasse.

Le projet de Promotion de la Gestion intégrée et de l’Economie des Déchets solides est un projet de gestion des déchets solides orienté dans la réalisation d’infrastructures de gestion des déchets de dernière génération et du renforcement des mécanismes de financement et d’orientation du secteur dans les régions de Dakar, Kolda, Matam, Saint-Louis, Sédhiou et Ziguinchor. Il est financé par la Banque Mondiale, l’Agence Espagnole pour la Coopération internationale au Développement, la Banque Européenne d’Investissement, l’Agence Française de Développement et l’Etat du Sénégal  d’un montant de 206 milliard.

“ Pourquoi financer un projet qui appauvrit les récupérateurs, se pose-t-il la question. Si c’est ça leur objectif, ce n’est plus la peine de rester ici. Ils n’ont qu’à venir récupérer leur financement et aller ailleurs”. Aujourd’hui, la seule solution qui s’offre aux 2000 récupérateurs de la décharge de Mbeubeuss est de conjuguer leurs efforts en vue de mobiliser plus de ressources nécessaires pour leur coopérative pour pouvoir acheter des produits auprès des détaillants ou de mettre en place une logistique adaptée capable de faire la collecte auprès des ménages de la région de Dakar et de disposer d’un grand magasin de stockage afin de vendre en gros ou à l’étranger.

Pape Aly Mbaye Dieng : « Il faut qu’on arrête  de rendre Keur Massar une ville poubelle »

Président exécutif de World Action/SENEGAL et Président de la Commission agroforesterie et Pêche pour PACJA/SENEGAL (Alliance Panafricaine pour la Justice Climatique), Pape Aly Dieng dresse le tableau sombre de la décharge de Mbeubeuss et demande aux autorités d’agir pour une meilleure utilisation des déchets afin d’éviter l’explosion de la bombe écologique dans la banlieue dakaroise.

Le Président fondateur de l’Association Agir pour le Sénégal de Paris- France et Représentant de la DUDA (Déclaration Universelle des Droits de l’Arbre pour la République du Sénégal exige également son réaménagement par la mise en place d’initiatives créatrices d’emplois et de la valeur ajoutée.

Interview

Oumar Ba : Les populations du département de Keur Massar, inquiétées, ne veulent plus cohabiter avec la décharge de Mbeubeuss. Qu’est-ce qui explique cette inquiétude ?

Pape Aly Mbaye Dieng : Les habitants de Keur Massar ont raison de s’inquiéter sur l’exploitation de la décharge de Mbeubeuss qui reste un problème environnemental lourd. Avant même son exploitation barbare, c’est d’abord frustrant que Mbeubeuss reste une décharge sauvage qui accumule chaque jour un peu plus les déchets de Dakar et sa région. Les conséquences de cette décharge et mieux son exploitation irrationnelle dépassent même les habitants de Keur Massar et environnant, certes ils sont les premières victimes directes de cette bombe écologique et nuisance environnementale. Il faut reconnaitre que les conséquences restent plus larges géopolitiquement. La poussière, les fumées, la délinquance, les enfants qui s’y donnent rendez-vous compromettant leur éducation restent parmi les conséquences graves de la décharge  sur la population.

Il faut qu’on arrête  de rendre Keur Massar une ville poubelle.

Quelles sont les conséquences de la décharge de Mbeubeuss sur l’environnement ?

Les premières conséquences sont d’ordre sanitaire. La décharge de Mbeubeuss dégage une fumée toxique et des odeurs nauséabondes qui se propagent à des kilomètres en polluant l’air. Les déchets restent une source de pollution directe. Les déchets qui ne sont  pas collectés de manière adéquate se retrouvent dans la nature et constituent une pollution visuelle et olfactive lorsqu’ils se décomposent, leurs composants sont libérés et polluent l’environnement et persistent pendant longtemps dans la nature.

Cette  pollution est aggravée par la libération de biogaz toxiques que les populations  riveraines respirent. Cela occasionne des infections respiratoires aiguës chez les populations et d’autres maladies pulmonaires plus graves. Elle est aussi un facteur d’insécurité pour les populations occasionnant la délinquance car la décharge reste un milieu propice pour les agresseurs. Elle favorise aussi la déscolarisation des jeunes qui s’adonnent à des activités de récupérations pour gagner de l’argent.

Elle présente à cet égard un certain nombre de risques environnementaux participant à la dégradation de la planète par le réchauffement climatique avec ses émissions de gaz considérés comme des gaz à effet de serre comme le méthane, le CO2. Cette même décharge pollue la nappe phréatique qui est un impact nuisible aussi.

Comment l’Etat doit réagir pour apporter des solutions ?

Le principal défi de l’Etat du Sénégal en gestion de déchets est la décharge de Mbeubeuss. Cette décharge à ciel ouvert sur un peu plus de 114 hectares, plus grand dépôt en Afrique de l’Ouest, doit être l’objet de réhabilitation.

La décharge doit être sécurisée pour éviter l’intrusion de personnes non autorisées. Mettre en place un plan de réaménagement du site pour gagner assez d’espaces. A partir de ces espaces gagnées, l’Etat doit mettre rapidement d’autres projets de gestions des déchets solides en connivence avec la municipalité par la mise en place d’un système de traitement  et d’élimination des déchets dans le cadre d’un partenariat public-privée. L’Etat doit penser aussi à la  création d’autres centres de tri,  de compostage des déchets etc… qui peuvent même après réemployer les anciens ramasseurs appelés Boudioumane (ndlr : les récupérateurs).

Bref, les déchets couramment déversés dans cette décharge sauvage puis brulés à l’air libre qui entrainent des risques sanitaires doivent constituer un défi environnemental que l’Etat doit relever au grand bénéfice des populations de Keur Massar, aux communes environnantes et même pour toute la nation.

Dans plusieurs pays, les déchets représentent d’énormes potentialités. Est-il possible d’utiliser les déchets de la décharge de Mbeubeuss dans la production d’énergies au grand bonheur des populations de Keur Massar ?

Outre les aspects environnementaux, le recyclage a également une grande importance dans le développement d’une économie verte, en ayant des effets directs sur la croissance économique et la création d’emplois. Le recyclage des déchets offre d’importants avantages en termes économique et social.

Par exemple, la chine a, à partir des années 1980, commencé à importer les déchets comme sources de matières premières. Ces importations ont fait de ce pays un acteur indispensable dans le traitement des déchets solides à l’échelle internationale.

Aujourd’hui, le premier marché mondial du traitement des déchets solides tend vers un développement durable plus écologique et respectueux de l’environnement. Il faut une réelle volonté gouvernementale pour transformer la décharge de Mbeubeuss comme un trésor national. Sinon, nos déchets ne font qu’alimenter les usines qui nous fourniront demain nos objets.

By Oumar

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